Okinawa, une bouffée d’air frais après Tokyo
L’image que l’on a du Japon oscille entre son hypermodernité et sa culture traditionnelle. Après un mois et demi à Tokyo, j’étouffais et j’avais besoin de prendre l’air et de voir un autre Japon, celui que j’avais pu entrapercevoir en travaillant dans une ferme dans la campagne japonaise il y a quelques années de cela. Je voulais aussi découvrir cette préfecture qui me faisait rêver depuis que j’étais enfant, Okinawa.
Okinawa est la préfecture la plus au sud du Japon et comprend trois archipels, Okinawa-Honto, Miyako et Ishigaki, ce dernier se trouvant à 110 km des côtes de Taiwan. De Tokyo à Naha (sur Okinawa-Honto) à vol d’oiseau, c’est plus de 1 600 km de distance. De par la distance, le climat et l’histoire, Okinawa est un monde à part et bien loin du Japon que l’on connaît. Ce n’est que depuis la fin du 19e siècle qu’Okinawa fait partie du Japon et même si beaucoup de témoignages historiques ont disparu durant la Seconde Guerre mondiale, la langue, la gastronomie et la culture sont de bons indices de ce qu’était Okinawa. Encore aujourd’hui, c’est un monde à part et les archipels eux-même sont bien distincts l’un de l’autre. Un Japonais m’avait dit, en blaguant, que j’allais découvrir l’Amérique Latine du Japon en me rendant à Okinawa et d’une certaine manière, il avait bien raison. Et c’est tant mieux, vu à quel point cette région du monde me manquait!
J’ai d’abord passé deux semaines et demi sur l’île principale d’Okinawa, avant de prendre un nouvel avion pour l’archipel d’Ishigaki (non accessible en bateau depuis Naha) et un ferry pour la petite île de Taketomi. En arrivant à Ishigaki, je me suis dit que c’était déjà bien différent d’Okinawa, bien moins développé. Et puis, j’ai pris un ferry pour Taketomi, sans savoir vraiment ce qui m’attendait…
Séjourner sur l’île de Taketomi : une expérience traditionnelle unique
Les ferrys partent du port d’Ishigaki toutes les 30 minutes et la traversée durent 20 minutes. La plupart des touristes s’y rendent à la journée et même si c’est amplement suffisant, je conseillerais d’y passer au moins une nuit, pour vraiment ressentir et vivre l’atmosphère si particulière de l’île. Parce que si l’on vient à Taketomi, c’est principalement pour son ambiance, même si ses sites touristiques sont aussi tous très beaux. J’y ai passé deux nuits et deux jours, mais j’y serai bien restée un peu plus longtemps…
Je débarque sur l’île de Taketomi à la fin du mois de février et il fait chaud. Le soleil joue à cache-cache avec de gros nuages gris et l’humidité semble se faire ressentir pour la première fois de l’année. Les touristes venus à la journée me regardent avec curiosité, moi et mes énormes sacs à dos, remplis de vêtements d’hiver. La plupart des touristes prennent des mini-bus, qui les emmènent à des boutiques où ils loueront des vélos et/ou prendront une excursion tirés par des buffles. Je parcours le kilomètre me séparant du village sans difficulté. J’ai un peu de mal à trouver mon hébergement, mais une dame me renseigne et j’atterris à bon port.
L’expérience traditionnelle et unique à Taketomi, consiste donc à dormir dans des guesthouses et à vivre une nuitée traditionnelle à la façon ryokan (sans le luxe). Il s’agit de dormir dans les maisons traditionnelles d’Okinawa et de vivre au rythme de la famille pour vivre une expérience typique et unique. J’ai dormi chez Mr. Yoshie et sa famille, dans la guesthouse Misnhuku Sendo / Utimorisou. La petite famille était composée des parents et de deux enfants, de la grand-mère et de l’arrière grand-mère. La famille vit sur place et vous êtes en contact permanent avec eux. Les enfants sont venus me parler, mais mon niveau de Japonais, ne me permettait pas d’interagir plus que cela avec eux. Le logement se compose donc d’une pièce principale, où tous les invités peuvent se réunir, utiliser le Wi-Fi, discuter avec la famille et regarder la télévision. J’ai croisé deux invités, dont un étudiant, avec qui j’ai pu échanger quelques mots en anglais. C’est aussi là que sont servis les repas, le matin et le soir. Il s’agit d’un hébergement en demi-pension et chaque jour Mr. Yoshie prépare un délicieux repas traditionnel, à base de poisson frais et de légumes de l’île. Puisque je suis pescétarienne, le menu était centré autour du poisson et des fruits de mer et c’était délicieux. Les sashimis de thon fondaient dans la bouche et le poisson servi chaque soir et matin était très fin. La soupe miso, le riz, les légumes, le thé vert… ces quatre repas ont été mes meilleurs repas au Japon jusqu’à ce jour.
La salle de bain est partagée. C’est un peu vieillot, surtout par rapport aux standards du Japon, mais cela suffit amplement. Vous disposez ensuite d’une chambre privée traditionnelle en tatami. J’avais une chambre simple, mais spacieuse et lumineuse avec deux fenêtres. Quelques cintres pour accrocher les manteaux, une prise, un futon et rien de plus. Comme c’était la première fois que j’installais seule un vrai futon et qu’nternet ne m’a pas tant aidée que cela, j’espère ne pas avoir fait d’erreurs trop graves dans mon installation. Je vous laisse juger… ah et ne faites pas comme moi… il n’y a pas de meubles, donc il est facile de mettre des vêtements sur son ordinateur, de se lever le matin pas très réveillée et sans lunettes et de mettre le genou sur le portable… en fracassant l’écran. Expérience vécue et non approuvée!
Quoiqu’il en soit, l’île est tranquille et une fois les touristes partis avec le dernier ferry, l’île devient encore plus calme. J’ai passé des nuits reposantes, agréables et silencieuses sur mon futon.
Je regrette un peu de ne pas avoir pu plus interagir avec la famille, qu’ils prenaient leur repas à des heures différentes et qu’ils ne souhaitaient pas vraiment parler, ni même essayer. Je sais que la barrière de la langue est bien là, mais je suis me sentie assez seule. J’aurais aimé en savoir plus sur la vie sur l’île, sur la famille et sur la vie à Okinawa, mais ce n’était pas possible.
Une autre chose m’a beaucoup surprise. Le haut-parleur, que l’on trouve souvent dans les petits villages d’Okinawa, faisant les annonces du village plusieurs fois par jour ou passant de la musique, se trouve aussi à l’intérieur des maisons traditionnelles. Et donc à 8h du matin, à midi, à 18h et sans doute à d’autres heures, le haut-parleur résonnait dans le salon, pour annoncer la météo, dire l’heure et dire les événements de la journée. Je trouve ça très intrusif, mais cela fait partie de la vie des îles.
Taketomi, son Feng Shui, sa culture et sa Constitution
Les touristes parcourent l’île de Taketomi à vélo, mais je suis une grande amatrice de la marche à pied et j’ai préféré prendre encore plus mon temps et ralentir le rythme. Avec 350 habitants et faisant 5,4 km2, on ne peut pas dire que l’île soit grande. L’île s’organise autour du village central et des plages de chaque côté de l’île. Le village est traversé de chemins de coraux. En effet, l’île est un atoll ou une île corallienne, puisqu’il s’agit d’un ancien récif corallien, qui s’est retrouvé émergé et est devenu une île. L’île de Taketomi est entourée de récifs de corail et fait partie du parc national Iriomote-Ishigaki. A part quelques voitures et minibus, l’île se parcoure à pied ou à vélo.
Si les poteaux électriques et la Poste témoignent de la modernité du Japon, Taketomi est une véritable bouffée d’air frais quand la modernité et le consumérisme du Japon vous ont rendu un peu fou. Vivant principalement de la culture de la canne à sucre et du tourisme, les habitants se sont regroupés et ont décidé de préserver la culture traditionnelle. Ils ont même établi une Constitution, que j’ai pu lire sur la fenêtre d’une maison: pas de pollution, pas de ventes de terrains ancestraux, pas de perturbation, pas de destruction et la mise en place d’une renaissance des traditions. Vous remarquerez aussi qu’il n’y a pas de konbini sur l’île et c’est voulu. L’île est également organisée selon les principes du Feng Shui, pour faire en sorte que la beauté de la nature environnante et les activités des peuples soient en harmonie mutuelle. C’est pour cela, par exemple, que les maisons sont orientées vers le sud ou que des Shisa (statue traditionnelle de lions d’Okinawa) sont placées sur le toit des maisons pour faire fuir les mauvais esprits, etc.
Taketomi, un voyage dans le temps ou une histoire de réalisme magique
Se promener à Taketomi, et plus particulièrement dans le village, c’est comme voyager dans le temps et entrer dans un monde en suspens, bien loin du monde moderne. Aussi loin que cela puisse être, j’ai eu l’impression d’être de retour à Mompox en Colombie et de vivre dans un livre de Gabriel Garcia Marquez. Ou plutôt d’Haruki Murakami, qui lui aussi pratique l’écriture avec des touches de réalisme magique. Alors que les touristes filent à toute allure sur leurs bolides, leurs vélos ou avec un buffle, je marche au hasard des allées, sans en rater une miette.
Les allées sont bordées de murs de pierre et les maisons traditionnelles à l’architecture typique, se dévoilent derrière les murs, les bougainvilliers et leurs systèmes d’entrée de maison si particuliers. Un shisa rieur ou menaçant monte la garde sur les toits et sur les murs. Les mauvais esprits ne passeront pas, c’est certain. Les habitants dévoilent leurs personnalités et leur humour avec quelques décorations et clins d’œil. Chaque jour, je croise un héron dans la même rue. A croire que c’est un héron domestique. Ou qu’il aime particulièrement cette rue. Il y a des chats à tous les recoins aussi. Sur la plage aussi et je me fais pleins de nouveaux amis. Des animaux principalement. Je croise une petite grand-mère. Elle me raconte qu’elle a toujours vécu sur l’île et qu’elle a 98 ans. Elle me raconte qu’elle se promène tous les jours, mais qu’elle ne peut pas aller plus loin que la rue du héron. Elle me raconte plein d’autres choses, mais je ne comprends plus. Je hoche la tête en souriant et elle me récompense d’un high five, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Je la regarde partir et elle croise le héron, sans que cela ne la perturbe.
Il y a des champs, des camions tout mignons à la japonaise, des écoliers qui me sourient, des habitants qui me disent bonjour quand ils me croisent. Il y a de vieilles maisons de bois, d’autres entièrement rénovées. Il y a des distributeurs de boisson (on ne se refait pas), un marchand de glace et quelques restaurants traditionnels. Il y a des étagères de vente de légumes contre quelques pièces. Il y a des arbres et des palmiers, des monuments commémoratifs, des annonces au haut-parleur, des temples cachés, des coraux, l’odeur de la mer, un point de vue sur la ville et pas grand chose d’autre. Il y a d’énormes corbeaux effrayants et la menace du serpent habu. Il est rare d’en croiser, mais je reste sur les sentiers, sautille rapidement dans les herbes hautes et évite les trous dans les pierres. On ne sait jamais: moi, ma malchance avec les animaux et nos rencontres souvent « fatales » ne font pas bon ménage. J’échange quelques mots avec des touristes, mais personne ne reste pour la nuit. Tous semblent tout de même enchantés de leur passage à Taketomi.
La nuit commence à tomber. Il fait chaud et humide, mais les nuages cachent le coucher du soleil et la possibilité de voir les étoiles. Il paraît que les étoiles sont magnifiques à Taketomi, à cause du peu de pollution visuelle. Ce sera pour une autre fois. Les touristes sont repartis et le calme est tombé sur l’île. On n’entend plus les touristes débouler à vélo en dérapant sur chaque chemin. Les villageois sont rentrés et semblent s’être détendus. Alors que le village paraissait presque désert, il s’anime. Les habitants papotent dans la rue, les enfants rentrent chez eux en courant et en riant, on aperçoit de la lumière dans les salons et le bruit des télés résonne dans les ruelles. C’est comme si tout le monde respirait à nouveau, comme si une nouvelle vie commençait, recommençait, au départ quotidien des touristes. C’est un privilège d’être là pour deux soirs et d’être témoin de la vraie vie, de la vraie ambiance de l’île. Des voisins me sourient timidement dans la rue, comme si nous partagions un secret. C’est sans doute le cas et je commence tout juste à l’appréhender. Il n’y a pas grand chose à faire le soir, et le calme devient plus profond.
Taketomi, une île paradisiaque du Japon
Au matin, il fait un temps magnifique. Avant que les touristes n’arrivent, je me rends au musée de l’île, pour comprendre son éco-sytème et son histoire. C’est assez petit, mais intéressant. Je prends ensuite des chemins détournés pour faire le tour de l’île à pied et pour aller visiter ses plages les plus connues. Et sans le savoir, je me retrouve dans une rue à papillons. Il y a d’abord des petits oranges, puis des touts petits bleus et des grands bleus et c’est un tourbillon permanent autour de moi et des fleurs. Je n’ai jamais vu cela et je me retrouve à jouer avec des papillons, pendant de longues minutes. C’est un plaisir de les voir virevolter ainsi et je danse avec eux.
Je continue mon exploration, à la découverte de vestiges historiques de l’île, de tombes face à la mer, de champs de canne à sucre et de plantations de banane. Taketomi est une toute petite île, mais les découvertes sont riches, au détour d’un chemin de corail. Le ciel est bleu azur, l’eau est bleue turquoise, le printemps commence et verdure et bougainvilliers sont au rendez-vous. Alors que j’approche d’une des plus belles plages que j’ai pu voir dans mes voyages, mon appareil photo tombe en panne (et je m’excuse donc pour la qualité des clichés). Il y a quelques touristes Chinois, Japonais et Coréens, mais nous ne sommes pas très nombreux à l’heure du déjeuner à la plage, l’occasion de bien en profiter.
Il fait très chaud et je n’hésite pas à plonger dans l’eau bleu turquoise de Kondoi Beach. Les autres touristes me trouvent complètement folle, mais à 20°C, elle est rafraîchissante. La plage de Kondoi est une plage aménagée avec du sable blanc, de l’eau turquoise, des chats, la vue sur Iriomote et le récif de corail, des poissons et des crabes et un banc de sable qui apparaît et disparaît au loin au fur et à mesure de la marée. Il y a même des papillons qui nagent avec moi, et j’aperçois, le temps de quelques battements d’ailes, à quoi ressemblerait le paradis. Attention tout de même aux coups de soleil! L’eau est basse et vous pouvez marcher jusqu’au banc de sable, mais l’eau remonte vite!
Poussez un peu plus loin pour trouver une étoile blanche sur la plage aux étoiles. C’est dur d’en trouver, mais sachez qu’il est interdit de ramasser le sable et il faut simplement prendre les étoiles si vous en rencontrer. Ces étoiles sont en fait les fossiles les plus vieux du monde et se trouvent seulement à Taketomi et Iriomote. Incroyable, non?
De l’autre côté de l’île, les plages sont peut-être moins spectaculaires, mais plus tranquilles et vous ne serez dérangés que par quelques pêcheurs.
Entre toutes ces promenades et découvertes, j’ai pris mes quartier dans un café très sympa, le Chirorin. Il faut dire que je n’ai pas d’horaires régulières pour manger, qu’il n’y a pas beaucoup d’options végétariennes sur l’île, ni de cafés ouverts en basse saison. Le personnel est très sympathique et ils parlent anglais. Il y a un joli jardin avec hamac, les smoothies sont délicieux et rafraîchissants et les soba surprenantes! C’est la pause parfaite entre toutes vos promenades!
Et puis un jour, il est temps de reprendre le ferry pour d’autres horizons. Un dernier regard, un dernier signe de la main, un sourire et un adieu. Taketomi est cette île magique, paradisiaque que vous n’oublierez jamais, les yeux et le cœur rempli d’étoiles et de souvenirs…
Arigatoo Taketomi, matta ne.
Où dormir sur l’île de Taketomi?
Informations pratiques pour organiser votre voyage sur l’île de Taketomi
Comment se rendre sur l’île de Taketomi au Japon?
Taketomi est une petite île de l’archipel de Yaeyama, qui fait partie de la préfecture d’Okinawa au Japon.
Il faut d’abord vous rendre sur l’île d’Ishigaki. Il y a des vols direct pour Ishigaki, sans passer par Naha sur Okinawa-Honto depuis Hong-Kong, Taiwan, l’archipel de Miyako au Japon, Naha évidemment, Osaka et Tokyo. Les vols sont surprenamment peu chers et cela peut être une bonne manière de passer d’un pays à l’autre en tour du monde par exemple.
Depuis Ishigaki, prenez le bus public, qui vous déposera directement sur le port. A partir de là, de nombreux ferrys partent régulièrement pour les différentes îles de l’archipel, y compris Taketomi. La traversée ne dure que 20 minutes et coûte 580 yens. Les horaires des ferrys à Ishigaki sont ici.
Une fois sur place, si vous avez réservez votre hébergement et que vous les avez prévenus de votre heure d’arrivée, ils viendront vous chercher. Sinon, si votre hébergement est au centre du village, ce n’est vraiment pas loin à pied!
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J’ai été l’invitée de Tashizan, de la part de l’île de Taketomi. Comme toujours, toutes opinions et photos me sont propres.
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