Identité et nomadisme
Le nomadisme est une liberté que ne peut supporter le monde sédentaire, sauf s’il lui est soumis, comme condition de son renouvellement. Le « partir, revenir » n’est acceptable que si le revenir l’emporte, et non pas à égalité des actes.
– Ella Maillart
Voilà plusieurs mois que je me pose des questions autour des thèmes de l’identité et du nomadisme. Face à un monde que je ne comprends plus vraiment, à cette France et cette Europe qui m’effraient, faisant face à de drôles de questions et de commentaires de proches comme d’inconnus, de retour en France et dans ma cambrousse natale pour quelques semaines, je me sens un peu perdue. Identité et nomadisme, mais qui suis-je?
Les retours sont pour moi de plus en plus difficiles. Je ne me sens plus vraiment à ma place, essayant de me faufiler dans le corps et l’esprit de celle que j’étais avant, sans y parvenir. J’ai beau forcer, gigoter, essayer de fermer les yeux et d’ouvrir mon esprit, cela ne passe pas, c’est bloqué. C’est stupide, me direz-vous, pourquoi faire cela, pourquoi ne pas être tout simplement moi? C’est comme si, rentrer en France m’obligeait un peu à rentrer dans les rangs, à baisser la tête, à ne pas trop me faire remarquer, à redevenir la jeune fille sage, sérieuse, timide et pensive, gentille que j’étais avant. J’ai sans doute peur également que les gens n’acceptent pas ce nouveau moi, plus libre, plus heureuse, (trop heureuse peut-être), plus folle et spontanée, plus « hippie », plus consciente du monde. J’ai l’impression de ne plus m’appartenir face à des regards accusateurs. Comme à chaque fois, on me dit des choses qui me blessent, les gens ne comprennent pas vraiment et je me sens encore plus hors du moule: « pourquoi fuis-tu? » « c’est fini ton tour du monde? comment ça tu n’as pas envie de rentrer? » « ça m’énerve les gens qui pensent que c’est mieux hors de France, c’est génial la France! » « alors, tu es en vacances? mais, si me raconte pas de bêtises, tu es tout le temps en vacances! » « alors tu as trouvé un homme? c’est pour quand les enfants? » « comment ça tu manges moins de viande? » « ça va, la belle vie? » et j’en passe… Je fais des efforts pour comprendre les gens autour de moi, mais je ne reçois pas la même courtoisie. Finalement, je sais que cela n’est pas important et que cela sera vite oublié, dès que j’aurais repris la route, mais je suis triste de ne pas me sentir à l’aise dans mon propre pays, ce pays que je ne reconnais plus vraiment depuis que je suis partie en Argentine. On me dit de ne pas m’inquiéter, que ce n’est pas si pire, mais des petits événements, des petites choses du quotidien m’inquiètent beaucoup.
Je vous en avais déjà parlé, je ne suis pas vraiment Française, ni quoi que ce soit d’autre. Je me suis souvent revendiquée Européenne et j’espère que c’est encore le cas. Mais surtout, je suis nomade, je n’appartient pas à un pays ou une catégorie, je suis de nulle part. Qui suis-je donc? A quelle identité puis-je me rattacher? Comment se définit un nomade dans un monde purement sédentaire, où les frontières (et les catégorisations) semblent plus importantes que tout et sont encore et toujours au cœur des débats? Je suis apparemment devenue une hippie idéaliste, en recherche d’un monde meilleur, de mon meilleur monde. Certains pensent sans doute que je suis complètement à côté de la plaque, que je ne vais pas bien, que je fuis quelque chose, comme ils le disent si bien. Je ne rentre pas dans les cases, je n’ai pas un travail normal, je n’ai pas de maison, ni de numéro de téléphone constant, je n’ai pas de chat, je n’ai pas de talons aiguilles, de meubles ou de choses, je n’ai pas d’adresse, je n’ai pas de petit-ami, je n’ai pas de routine, d’abonnement à la salle de sport, de plans pour les prochaines vacances, de bar du vendredi, de coiffeur, etc. Dur dur de trouver sa place dans une société où tout cela compte…
A moi d’accepter aujourd’hui ma différence, de savoir m’affirmer comme nouveau moi, comme nouvelle personne lorsque je rentre en France. A moi de me sentir bien dans ma vie, sans obtenir de compréhension ou de validation. Plus facile à dire qu’à faire. J’ai tellement lu de textes sur le fait que l’on pouvait être qui l’on souhaitait en voyage, que l’on se réinventait. Cela se fait naturellement et je ne l’avais pas vraiment remarqué, jusqu’à ce que je revienne et fasse face à mon ancien moi, à mon ancienne vie.
On se réinvente en voyage, on part à la rencontre de soi-même, on se cherche, on se trouve. Il n’y a plus qu’à avoir le courage de s’affirmer, de sortir de sa coquille et de ne plus se regarder à travers les yeux des autres. Dans une autre vie, j’aurais été toute autre, j’aurais eu une famille, une carrière et un autre parcours. J’aurais pris un chemin différent, j’aurais eu d’autres rêves et objectifs. J’aurais été une autre version de moi, mais cela aurait été bien aussi. L’important est de ne rien regretter et d’aller toujours vers l’avant, avec le sourire.
Aujourd’hui, qui suis-je? Je suis nomade, je suis voyageuse, je suis heureuse, je suis libre. Ai-je besoin d’autres étiquettes? Je ne crois pas… ou plutôt je n’espère pas.
Pour aller plus loin
Un beau texte de Corinne sur ces questions d’ identité et nomadisme et de normalité. Corinne est nomade depuis sept ans, qui semble avoir dépassé mon stade d’inquiétude.
Ma critique de l’ouvrage Je suis de nulle part, découvert il y a plusieurs années.
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