Mon visa chinois approchait dangereusement de sa fin, mais il me restait une aventure que je souhaitais vraiment vivre, un peu le clou de ce voyage chinois: un trek à cheval au Tibet, ou plutôt sur les plateaux tibétaines de la Chine. Beaucoup de voyageurs se rendent à Chengdu pour organiser leur voyage ou leur trek au Tibet et partent de cette ville. Pourtant, à 1 000 euros la semaine (seulement transport pour s’y rendre, visa et guide et donc sans liberté de mouvement), cela n’avait rien d’un rêve pour moi. J’avais repéré dans un encadré « Hors des Sentiers Battus » du Lonely Planet (les guides sont de plus en plus moyens, mais ces encadrés sont toujours top) une région du Sichuan, où l’on pouvait goûter à la culture tibétaine et faire un trek à cheval au Tibet.
Direction Kangding et Tagong, deux communes situées dans la préfecture autonome tibétaine de Garzè, dans le Sichuan, au sud-ouest de la Chine. J’ai réussi à convaincre Yannick d’embarquer pour l’aventure avec moi et nous commençons par un long voyage en bus depuis Chengdu à Kangding. Des problèmes sur la route nous retardent de deux heures et l’on nous demande de payer en plus, pour l’essence et le détour. Les paysages défilent lentement, tous plus beaux les uns que les autres. La campagne, des villages, les montagnes et vallées. Nous sommes bien loin de la Chine urbaine que nous connaissons déjà. Quelques pauses dans des boui-bouis improbables me font tester pour la première fois les toilettes collectives; sans séparation entre les occupants. Une chose est sûre, l’aventure commence.
Nous débarquons tard à Kangding, une ville assez étendue et comme partagée entre les cultures chinoises et tibétaines. Il nous reste une heure de marche à faire pour se rendre à notre auberge de jeunesse. Nous choisissons l’option du taxi, en vain. Quatre ou cinq fois, nous arrêtons un taxi. Quatre ou cinq fois, ils nous disent non, démarrent en trombe, secouent la tête… Nous ne comprenons pas vraiment ce mauvais accueil et nous résignons à marcher. Nous sommes à 2 500 m d’altitude et j’accuse le coup. J’avance tout doucement, j’ai du mal à respirer et je ne me sens pas bien. Yannick sera obligé de porter mon gros sac dans la montée jusqu’à l’auberge, car je ne pouvais simplement plus du tout avancer. Heureusement, nous atterrissons dans une super auberge chaleureuse avec super confort, bons petits plats, proprio au top et voyageurs sympathiques. Si ce n’est pour mon visa de 30 jours (Yannick a lui deux mois), nous serions sans doute rester plus longtemps, le temps de s’acclimater à l’altitude.
Nous partageons un transfert pour Tagong avec deux autres voyageuses et en moins de deux heures, nous atterrissons dans un autre monde. Nous sommes passés devant le second plus haut aéroport du monde, avons serpenté le long d’une route magnifique et avons croisé plusieurs fourgons blindés de militaires. Bienvenue en zone tibétaine. Les gens sont différents, s’habillent différemment, parlent un autre dialecte, mangent différemment, ont une autre religion… C’est l’endroit parfait pour avoir un avant-goût du Tibet et de sa culture. Tagong est une petite ville très tranquille et froide, où il ne se passe pas grand chose. Il pleut ce jour-là et l’endroit a des airs de ville fantôme. Les vaches, chiens et cochons se promènent tranquillement et les quelques personnes que nous croisons sont très amicales. Nous atterrissons dans la Guesthouse d’Angela, une américaine qui tient ce centre nomade qui fait aussi café et boutique. Malheureusement, il n’existe plus aujourd’hui, mais devrait ouvrir un nouveau centre dans les plateaux. Il est toujours possible d’organiser des treks à cheval au Tibet avec eux.
Nous nous décidons donc pour un trek à cheval au Tibet de trois jours et deux nuits. Yannick aurait préféré plus, mais je n’ai pas le temps, ni l’argent. Nous aurons finalement pris la bonne décision, car c’est déjà un trek long et difficile. Ils nous en coûte une centaine d’euros par personne pour trois jours, nourriture comprise, accompagnés d’un guide nomade, sans traduction.
Le soleil baigne la terrasse lorsque nous partons du centre nomade. Encore, une fois, c’est avec un peu de regret que je quitte ce superbe lieu. Nous avons passé de bons moments au coin du feu, à savourer thés, pancakes, burgers au yak et chocolats chauds au lait de yak. Le matelas chauffant me manquera aussi.
Nous faisons connaissance avec notre guide et nos canassons. Ils ont l’air plus en forme que ce je pensais, même si finalement pas tant que ça. Nous commençons doucement la balade dans les plateaux sur du plat, nous traversons des rivières, saluons les nomades que nous croisons en chemin et posons pour leurs photos. Encore peu de touristes viennent jusqu’ici. Nous nous arrêtons pour le déjeuner dans la maison de notre guide. Sa femme nous sert un repas simple, mais délicieux, fait de riz, de légumes et de thé au lait de yak. Le yak, nous allons bientôt le voir sous toutes les formes.
Il est temps de reprendre la route et de monter plus haut, toujours plus haut. Ma monture a du mal à supporter mon poids et nous sommes obligés de faire des changements de monture, de marcher et de tirer les chevaux. J’ai un peu honte, mais je ne peux y faire grand chose. Mon poids reviendra souvent sur le tapis. Le guide me touchera même les cuisses, me demandant pourquoi c’est si gros en bas et pas en haut. D’autres me diront que je dois beaucoup manger… mmmm…
Les paysages que nous traversons sont absolument splendides et aucune photo ne leur feront justice. Nous sommes absolument seuls au monde et nous avançons tranquillement, en écoutant le silence. Je souris comme une gosse, je me sens libre, en harmonie avec la nature, dans un autre monde, loin de tout. Nous nous connectons vraiment avec le mode nomade, nous comprenons la distance qui nous sépare d’eux. J’ai beau être nomade, mon mode de vie n’a rien à voir avec le leur. Une dernière descente et nous arrivons au campement, la tente de notre guide. Sa femme est là à nouveau et l’on se demande bien comment elle est arrivée avant nous. A dos de yak peut-être? Autour de la tente, des paysages sublimes et toute une colonie de yaks, plus ou moins patibulaires. On observe la traite, on se tente les selfies et l’on profite du calme du lieu. C’est l’heure du dîner et nous savourons des dumplings au fromage de yak et aux légumes. Miam, miam, qui aurait dit que nous mangerions si bien. 20h, il fait nuit et il est temps de dormir. La journée a été fatigante et le sommeil ne se fait pas attendre. Sauf qu’il pleut, qu’il fait un froid de canard malgré les 10 couvertures et que 15 bébés yak dorment avec nous. Sous la tente. L’effet du thé et du froid se font sentir et je dois retenir mon envie toute la nuit: pas question de sortir et de me faire encorner par un yak dans la nuit! Le jour se lève et il est temps de repartir. Je n’ai pas vraiment les yeux en face des trous, mais heureusement, ce n’est pas moi qui doit marcher.
Je suis heureuse d’avoir choisi l’option cheval. J’ai beaucoup de mal à respirer et je n’aurais jamais pu faire un trek normal. Monter est fatigant en soi aussi. Il faut rester bien équilibré, bien droit, les jambes tendus. Le cheval est un peu petit pour mes longues jambes et je ne suis pas très à l’aise lorsque nous passons près de ravins. Il faut lui faire une confiance incroyable. Heureusement, pas de trot ou de galop et donc pas de mal de fesses. Nous arrivons chez le mari d’Angela et rencontrons sa fille, qui parle évidemment anglais. Très curieuse, elle nous pose plein de questions et nous explique le spectacle qui s’offre à nous. C’est un peu la fête du yak. Plusieurs nomades les attrapent par les cornes, leur mettent du sel dans la bouche et leur crachent un liquide qu’ils ont précédemment avalés. Nous restons surpris par ce spectacle et ce quotidien hors-norme. Après le déjeuner, nous repartons, faisant un dernier adieu à la famille nomade.
L’après-midi est long et j’ai du mal à ne pas m’endormir assise. Nous traversons des plaines, des collines. Tout est magnifique, tout se ressemble. Enfin, nous apercevons un champ de milliers de drapeaux et une ville, Gyergo où se trouve le couvent et la fête du village. Nous sommes évidemment les seuls étrangers du coin et nous recevons milles sourires, milles signes de la main, mille bonjours. J’ai l’impression d’être privilégiée, de pouvoir assister à un tél événement et de voir les nomades vivre leur vie de tous les jours. Les danses, les couleurs, les prières, les monuments, les vêtements, les animaux…. c’est absolument incroyable et ce moment indescriptible restera pour toujours dans mon cœur.
Ce soir-là, nous dormons dans une petite maison nomade typique avec des lits. Notre guide nous a préparé le repas et une bière tibétaine. Nous partageons un moment très sympa, jusqu’à ce qu’il soit à nouveau l’heure de se coucher. Mais avant cela, pause toilettes. Toutes les maisons n’ont pas de toilettes et il y a donc des toilettes pour le village, communes. Bref, il fait nuit, ce n’est pas top, c’est commun et je passerai encore une nuit à regretter la bière. Il fait froid dans la maison et le réveil est encore très dur.
Ce matin-là, nous montons à 4 300m d’altitude. La montée sera longue et fastidieuse, mais le jeu en vaut la chandelle et le pique-nique avec vue est une belle récompense.
Nous redescendons lentement vers Tagong, heureux en anticipation de retrouver un peu de confort et de sommeil, mais triste que l’aventure soit finie. Mes jambes sont complètement endolories et je manque de tomber en descendant de mon destrier. Nous retrouvons deux amis israéliens à l’auberge et nous décidons de repartir le lendemain à Kangding, puis Chengdu ensemble. C’est le début des vacances nationales et il faut partir au plus vite. J’ai d’ailleurs un avion qui m’attend à Chengdu.
La redescente sera une sacrée galère, car il n’y avait plus de tickets de bus. Nous négocions pendant des heures avec des taximen patibulaires, pour enfin partir à un bon tarif avec un homme un peu louche, qui nous fait courir d’un van à l’autre, pour se cacher de la « mafia ». Nous nous retrouverons dans des embouteillages incroyables et notre charmant chauffeur manqua de nous tuer. De Chengdu, je pris un vol pour Kunming et je dût en acheter un autre pour continuer directement à l’aéroport, car il n’y avait plus de bus. Vive les vacances chinoises. Dernière étape chinoise sans grand événement Xishuangbanna (à part un achat compliqué de bus pour le Laos et des histoires de taxi) avant d’entamer mon aventure en Asie du Sud-Est.
Pourquoi ne pas découvrir le billet et le point de vue de Yannick sur notre trek? Cela reste pour moi l’une des plus belles aventures de mon tour du monde et quelques chose me dit que ce ne sera pas la dernière fois que je ferai un trek à cheval au Tibet.
Et vous, partants pour l’aventure?
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