Le voyage intuitif commence…
« – Aviemore.
– Vraiment? Quand?
– Oui, mardi. Le train le plus rapide. Réserve pour deux nuits. »
Un dialogue peu remarquable, un dialogue qui pourrait sortir de plusieurs bouches, y compris la mienne. Pourtant, c’est un dialogue interne que j’ai régulièrement entre mon esprit rationnel et mon intuition. Voilà près de deux ans que je laisse l’intuition mener la danse, comme je vous le racontais par ici. Et la semaine dernière, j’ai décidé de renouveler l’expérience du voyage intuitif, laissant l’intuition me guider pour chaque choix. Ces choix et décisions qui paraissent impulsives, irrationnelles et qui pourtant mènent à de belles surprises, le flow et des synchronicités.
Des vacances intuitives à Toulon après le déconfinement
Il y a un an, alors que la France se déconfinait, j’avais besoin de soleil avant de partir vivre en Ecosse. Je rêvais de Croatie, mais ce n’était pas possible. Mon intuition me parlait des Baléares, alors j’ai suivi la petite voix en moi. En réservant un train pour Toulon, une nuit au centre-ville et l’espoir d’attraper un ferry. Il n’y avait pas de ferry. Alors j’ai passé la semaine à Toulon, une ville que je n’aurais jamais choisie rationnellement. Et pourtant, j’ai eu tout ce que je désirais et espérais de la Croatie. L’eau bleu turquoise, les falaises, les criques et les calanques, le soleil, l’air du Sud, les façades colorées. J’avais suivie mon intuition et cela avait payé. Mais d’une certaine manière, je m’étais limitée. Je m’étais arrêtée à l’Airbnb que j’avais réservé pour quelques jours et j’y suis restée pour toute la semaine. Par peur de voir où l’intuition m’emmènerait ensuite, par fatigue et par paresse aussi.
Quand l’inconnu vient frapper à la porte de la sédentarité
Un an plus tard, je décide de retenter l’expérience. Ma confiance en l’intuition est presque inébranlable, mais bien sûr, les peurs et l’anxiété reviennent toujours au galop, quand je suis fatiguée, quand l’inconnu frappe à la porte un peu trop bruyamment, quand le passé vient frapper à la porte. Oui, j’aime l’inconnu, mais je l’aime plus silencieux, plus doux, à petits pas. Et puis, il faut dire que je me suis laissée portée par le confort de la sédentarité et de ces six mois de confinement, d’assignation à ville. Le confinement a touché à sa fin depuis quelques semaines, mais je n’ai toujours pas quitté la ville. L’ombre de mon burnout plane. J’ai entendu parlé pour la première fois de traumatisme de burnout et je sais que j’en souffre. J’ai peur de rêver, j’ai peur de voir trop grand, j’ai peur de lâché chaque petit bout de confort que j’ai récupéré à grands coups d’introspection et de détermination. J’ai peur de l’inconnu, et pourtant il vient frapper à la porte. Et il est de plus en plus bruyant.
Je me suis laissée portée pour une excursion à la journée à Stirling, avec mon amie danoise. Stirling, c’est une petite ville pittoresque tout près d’Edimbourg. Un château, de jolies vues, du vent et la garantie de pouvoir dormir dans mon lit. Ce jour-là on suit le programme, les envies, le planning de mon amie. Elle veut voir du pays. Je me laisse porter par son entrain, sa compagnie et ses rêves. Je n’ai plus besoin de voir du pays, j’en ai déjà vu beaucoup. Le voyage touristique pur et dur n’a plus de sens pour moi. Alors je flotte dans le vent. J’aime le mouvement, je me laisse séduire par la bise, je me sens à l’aise dans le train et je marche, soûle de nouveauté et de nature. Si je les laissais faire, mes pas me porteraient plus loin, ailleurs, quelque part que je ne connais pas. Mon amie est mon ancrage. Elle préfère le contrôle et la planification. Ca m’arrange, cela me maintient dans une zone de confort et de stagnation familière. Si elle n’était pas là, qui sait où mes pas me porteraient? Reviendrais-je un jour chez moi? N’y a-t-il pas le risque je m’enfuis sur les routes du monde à nouveau?
Une résidence d’écriture intuitive et ambulante dans les Highlands
Je rêve d’une résidence d’écriture ambulante, de quelques jours ailleurs, de sortir de la ville, de tester ma capacité à voyager à nouveau. Peut-être que je ne voyagerai plus jamais? Peut-être que le chapitre est clos et que je vais devenir la plus grande sédentaire du monde? Cela ne me dérangerait pas trop après tout. Mais l’inconnu vient fracasser la porte à grands coups de pied:
« Tu pars… », murmure l’intuition. « Tu pars pour deux nuits. Le reste, le vent te portera, aie confiance ».
Je suis curieuse. J’ai fait un pacte avec mon intuition. Je me laisse porter. Je fais ma valise avec entrain, sans savoir où je vais. L’écriture de mon film (un road-movie) sera mon ancrage. C’est une raison suffisante pour me faire partir. L’écriture pour ancrage, comme raison de voyage, comme raison d’être, la recherche de l’inspiration.
Ce matin-là, une anxiété me tord l’estomac. Je la connais bien cette anxiété. Elle n’est pas réelle. Elle construit des montagnes avec des « Et si? » et des « Plus tard… » J’enfile mon sac-à-dos, comme tant de fois je l’ai fait au fil des années précédentes. J’enfile le second sac à dos. L’appartement est propre. Une bouteille de lait d’avoine m’attend au retour. Je ne sais pas où je vais, ni combien de temps je pars, mais je suis prête. Mon intuition m’a fait préparer six paires de chaussette, comme un indice du retour. Il y a des travaux bruyants qui commencent tout juste dans l’appartement du dessous. Ma rue est sans dessus-dessous pour l’installation de la fibre optique. Une petite brise d’été me chatouille les narines. Mon bus arrive. Quelque chose me dit que je pars au bon moment. Et là, à cet instant, à l’arrêt de bus, la nomade reprend possession de mon être. « Let’s do this! » crie-t-elle. Les habitudes reviennent au galop et la liberté est enivrante dès la première seconde.
Je pourrais vous dire que mon intuition sait tout à l’avance (le futur proche), qu’elle choisit toujours la meilleure option à un instant t. Vous ne me croiriez sans doute pas. Et ce n’est pas grave. L’important est que moi j’y crois. Elle guide mes pas, mon choix de train, mon choix de siège, quel café visiter, que faire ou ne pas faire, quand, où et comment, quel appartement réserver, pour combien de nuits… J’écris dans un train, plus inspirée que jamais. L’inconnu est au bout du chemin et je n’ai pas peur. Je n’ai plus peur.
A Aviemore, j’écris, je savoure le soleil, je laisse des passants et des touristes m’aborder et papoter avec moi, je randonne. J’obtiens la dernière place dans un café près du poêle où je bouquine pendant une heure. Je pars pour une petite promenade du soir autour de mares. Mon intuition veut m’emmener à un sommet. Je ne m’en crois pas capable. « Il est tard, j’ai faim, je suis fatiguée, cela n’en vaudra pas la peine…. » crie mon rationnel. Mon intuition me pousse, mon intuition a confiance en moi, mon intuition sait que j’en suis capable. J’écris un poème au pied d’un arbre. Je trouve une petit fougère en forme de coeurs. Le silence et l’énergie de la forêt m’envoûtent. Hors du temps, seule au monde, je n’ai rien à perdre. Je suis l’intuition, portée par une confiance presque inébranlable.
En haut, une vue imprenable rien que pour moi etun vent à m’en décorner les lunettes. Je ris, je photographie et je tourbillonne. « Merci, intuition, merci. Comme toujours. » Et le lendemain, encore une fois, elle me pousse plus loin, encore et encore. Mon rationnel cherche une porte de sortie, un bus, peut-être du stop, parce qu’il n’est pas question que je refasse ce chemin en sens inverse, il va être bien trop tard. Le dernier bus est déjà parti. Je me résous, je continue jusqu’au lac et je rentrerais à pied. Tant pis. Deux heures en descente, ce n’est pas la mer à boire, j’ai fait pire. Tout ne doit pas toujours s’enchaîner parfaitement….
J’arrive devant un superbe lac au Cairngorms National Park. J’écris quelques notes sur un banc. Je vérifie Google Maps pour planifier mon chemin de retour. Et comme par magie, il y a un dernier bus qui n’apparaissait pas lors de mes premières recherches. Il sera là dans 10 minutes. Juste le temps d’atteindre l’arrêt…
Le flow parfait, toujours. Pas de réveil, pas de planning, pas d’horaires. Je me lève, je prends mon temps, je fais du yoga, je fais une petite promenade matinale, j’écris, je fais ma valise, je profite du soleil et je suis à temps pour le transport suivant.
Dans le flow de l’intuition, de l’inconnu et du voyage intuitif
« Inverness. Une nuit. »
C’est parti. Pourquoi poser des questions quand tout s’enchaîne parfaitement lorsque l’on fait confiance. Inverness pour une nuit. Il est trop tôt pour faire le check-in à mon Airbnb. Je savoure un délicieux Fish and Chips vegan au Alleycat, j’écoute du rock, et je remplis mon carnet de notes pour le film. J’ai encore du temps et mes deux sacs avec moi. Il faut que je trouve un café pour écrire. Mon rationnel a une liste de cafés en tête. Je passe devant plusieurs d’entre eux. Ils sont bondés, peu attrayants ou plus simplement, mes pas qui m’en éloignent, me poussent encore plus loin, me font faire des tours et des détours. C’est le rationnel et l’intuition qui luttent. Deux cerveaux, une seule paire de jambes… c’est compliqué. Mon rationnel abandonne, comme toujours. Je l’ai bien entraîné. Mes pas me mènent au château d’Inverness, qui est assez peu intéressant. Et puis le long de la rivière. J’ai 15 kilos sur le dos, mais des ailes me poussent. « Encore un peu plus loin. Là-bas. Tu ne le regretteras pas. » « Mais mon café? L’écriture? » « Aie confiance ». Je concède d’aller jusqu’au pont piétonnier et de faire demi-tour. Le pont est fermé. Je continue. Je me retrouve sur de jolies petites îles et dans un écrin de verdure au coeur de la ville. Et c’est là que j’écris quelques pages de mon script, pendant une heure, face à la rivière, en attendant le check-in.
Je pourrais vous dire que vous devenez maître du temps quand vous avez entière confiance en l’univers, en vous-même et en l’intuition. Mais vous ne me croiriez peut-être pas. Après tout à quoi bas rationaliser ce qui n’est pas rationalisable. Quoiqu’il en soit, le bus arrive toujours au moment où je suis à l’arrêt de bus. Les passages piétons sont au vert. Et je suis toujours pile à l’heure. Sans calculer. Il me suffit d’avoir une notion vague du temps que cela prendra. Je grimpe l’escalier qui me mène dans ma treehouse pour la nuit. C’est cosy. Il est 16h. Pile l’heure de mon cours du jeudi pour ma certification de Dharma Coach au DCI. Le cocon parfait pour me faire coacher et laisser mes émotions voguer à l’âme et au vent, pour travailler sur tout ce que ce voyage fait resurgir. Les fantômes du nomadisme, du burnout et du passé dansent dans mes pas. C’est le « prix » de l’ouverture à l’intuition et à la magie. On laisse rentrer les ombres, on danse avec elles. Il n’y a pas de lumière sans ombres. Et inversement.
La veille, j’avais eu un petit coup de panique. Mon esprit rationnel a toujours été hyperactif. « Je n’ai pas le budget. C’est le Covid. Je ne vais pouvoir aller nulle part. Ils annoncent une grève des trains (oui, l’ironie de la Française bloquée au Nord de l’Ecosse à cause d’une grève de trains n’est pas perdue chez moi). J’écrirais mieux chez moi. Ou posée plusieurs jours. Je serais bien à Whitby (une petite ville en Angleterre dans le Yorkshire que j’avais beaucoup apprécié). Oui, Whitby, il y avait la mer, un chouette Airbnb, des bancs pour la contemplation et de quoi être inspirée. » C’était connu. Une autre ancre possible. Mon moi créatif, mon moi artiste est un enfant qui a besoin de stabilité et de sécurité. Mais il a aussi besoin de confiance, d’ouverture et d’inspiration. L’équilibre parfait entre mouvement et immobilité, là où se trouve l’intuition et la créativité. Cela n’est pas toujours facile à accomplir et parfois il y a un déséquilibre dans un sens ou dans l’autre. Après des années à renier la stabilité, il n’est pas étonnant que ce moi artiste ait peur du flow et du mouvement. Alors, je le rassure, je me rassure. Le matin, l’anxiété avait disparu.
Je me retrouve à Elgin. Je n’en ai jamais entendu parlé. Je suis au Café Kombucha, un paradis de la nourriture vegan. Du rock, un serveur adorable, une déco cosy et ma table au soleil, face à la rue. Je déguste une délicieuse pizza, un chaï, un cheesecake et je me laisse porter par mes mots. C’est l’endroit parfait pour écrire et être inspirée. Je visite à nouveau avec mes 15 kilos sur le dos. Il y a une splendide abbaye en ruine (… comme à Whitby) et un petit jardin où se reposer.
Ce soir, je dors à Lossiemouth, près de la mer. J’ai réservé un petit cottage près de la plage. La propriétaire est adorable et m’écrit que cela tombe à pic. Quelqu’un vient d’annuler une réservation et c’est pour ça que je l’ai eu à si bas prix à la dernière minute… Les coïncidences (ou plutôt les synchronicités…) se multiplient. J’aime que ma vie soit un cas pratique à la magie. Je m’amuse beaucoup et je montre ce qui est possible. A Lossiemouth, il y a des vues imprenables sur la mer du Nord, des plages de sable blanc, de jolies ruelles, des petits cottages où les embruns viennent se mêler aux airs artistiques et pleins de bancs pour contempler la vue (comme à Whitby…). Il y a des mouettes qui chantent et l’air est empli de possibilités.
L’intuition me porte en chaque instant
Je me réveille un peu groggy, un peu à l’ouest. Sans réveil comme à mon habitude. J’ai encore un jour devant moi.
« – Il est temps de rentrer à la maison.
– Là, aujourd’hui, tout de suite, maintenant?
– Oui.
– Et ma réservation pour cette nuit?
– Cela n’a pas d’importance. »
Je change mes réservations, je fais ma valise sans me presser, je prends un bus, un train et un autre train. Tout s’enchaîne sans anicroches. Je longe la splendide côte écossaise en passant par Aberdeen et j’écris de tout mon soûl. Ces 5 heures de train étaient exactement ce dont j’avais besoin pour écrire.
Quelques rayons de soleil lorsque j’arrive à Edimbourg. Je marche jusqu’à chez moi, le sourire aux lèvres. Pour la première fois de ma vie, je suis heureuse d’être rentrée à la maison. Mon lit m’appelle. Je vis dans une superbe ville. J’ai vécu une jolie aventure. J’ai encore une quarantaine de pages à écrire. Et c’est la seule chose qui m’importe.
Mon intuition sait. La tienne aussi. En chaque instant. Est-ce que tu l’écoutes? En voyage ou dans ta vie de tous les jours?
Un savant équilibre de mouvement, de flow, de nomadisme ET d’immobilité, de sédentarité, de stabilité. C’est là où se trouve l’intuition. La créativité. Et la vérité. Ma vérité.
PS: j’ai défait ma valise. J’ai eu assez de chaussettes. Et tout ce dont j’avais besoin. Les travaux dans l’appartement du dessous sont terminés. Je suis exactement où je dois être, en ce moment précis. A mon bureau, à t’écrire ces quelques mots, chère lectrice, cher lecteur. En attendant que le vent, l’inspiration et l’intuition m’emportent peut-être ailleurs… La permanence du nomadisme, la permanence de la sédentarité sont contre-nature. C’est la permanence qui l’est. Le changement, l’évolution, la transition, l’impermanence sont notre seule stabilité.
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