Interview de Magaly, stagiaire en hôpital à Madagascar, partie 2

Magaly nous raconte son expérience de stagiaire hospitalière à Madagascar. Retrouvez la première partie de l’interview par ici!

Magaly et un lémurienParlons un peu plus de Madagascar. Quelles ont été tes premières impressions à ton arrivée ?

Depuis l’avion déjà je pouvais voir le sol malgache : très coloré, très peu de constructions humaines, très peu de routes, beaucoup de végétation sauvage. Une fois au sol, c’est une tout autre image qui saute aux yeux : la pauvreté, les bidonvilles autour de Tana, la saleté des bas-côtés, des rues… Et puis la foule ! Beaucoup de gens partout, qui courent, qui crient, qui me sollicitent pour de l’argent, pour de la nourriture, pour me proposer un guide, un taxi, me vendre quelques chose… Une overdose sensitive en quelque sorte ! Disons que je ne m’étais pas suffisamment préparée à ce choc des cultures ! Bref le premier contact a été difficile, il a fallu se frayer un chemin dans cette jungle urbaine, y trouver ses repères. Et c’était d’autant moins facile, qu’il m’était impossible de me fondre dans la masse : quand on est blanc à Mada, on est « vasaha » (prononcez vasa) et on est repéré à 10 km à la ronde ! Pas de sortie incognito possible !!

T’es-tu facilement adaptée à la vie là-bas ? Pourquoi ?

Antanarivo, vue panoramique du centre ville
Antanarivo, vue panoramique du centre ville

Il m’a fallu 15 jours pour m’habituer aux odeurs, aux bruits, à la circulation et à être le centre de l’attention partout où j’allais. Antananarivo est une ville construite sur des collines, autrement dit ça monte et ça descend tout le temps (et ça muscle les cuisses!!!). C’est également un vrai labyrinthe de rues et de ruelles, où il ne fait pas bon être piéton : une circulation monstrueuse, pas de code de la route (enfin s’il y en a un il n’est pas respecté en tout cas…), pas de passage piéton, des feux tricolores cassés au cours des différents coups d’état successifs, des trottoirs envahis par des marchands de fruits et légumes, des vendeurs à la sauvette, des mendiants, des enfants en guenilles, des pickpockets… Bref, il faut être sur ses gardes à tout moment pour ne pas marcher sur quelqu’un assis par terre, ne pas se faire écraser ou renverser, ne pas se faire voler… Et puis la pollution est par endroit insoutenable, de quoi développer un bon cancer du poumon en 5 min ! Enfin, détail important : Tana est une ville où l’on peut se déplacer sans trop de risques la journée (enfin pas dans tous les quartiers, faut pas être suicidaire non plus hein!), mais la nuit c’est un vrai coupe-gorge. C’était l’hiver austral à la période où j’y étais et le jour tombait vers 17h. Il fallait alors s’enfermer chez soi et éviter d’avoir oublié le pain pour le dîner !
Mais après ce temps d’adaptation j’ai pu voir les aspects positifs de cette ville : de magnifiques points de vue, une cuisine malgache variée et savoureuse, les taxis 4L ou 2CV en roue libre dans les descentes pour économiser l’essence, la végétation luxuriante, les maisons de toutes les couleurs, rafistolées de bric et de broc, et puis les gens. Les malgaches sont très aimables et souriants. Il est difficile de créer de vrais liens d’amitié avec eux (il y a toujours une relation d’intérêt par-là malheureusement) mais on peut tout à fait discuter et échanger. La vie là-bas est « mora-mora » (prononcez moura-moura), c’est à dire « tranquille tranquille » ! Personne ne s’énerve, les gens prennent la vie comme elle vient, et c’est très bien comme ça (bon j’avoue que mon tempérament pressé d’européenne et ma patience ont parfois été mis à rude épreuve!).
Mais heureusement Mada, ce n’est pas que Tana !

Qu’est-ce qui t’a le plus plu et t’a le moins plu à Madagascar ?

Impossible de répondre une seule chose à cette question ! Plein de choses me reviennent !
Côté positif : le dépaysement total, la culture malgache (y compris la cuisine!), la faune (les lémuriens!) et la flore incroyablement belle et variée, les couleurs chaudes des paysages, les sourires des enfants dans les campagnes, prendre le temps de voyager (parfois contre son grès)…
Côté négatif : l’insécurité la nuit, les attaques de taxi-brousse (4 personnes ont été tuées une nuit lors de l’une de ces attaques, la veille du jour où nous devions prendre cette même route…), la corruption qui ronge le pays (des barrages de police partout et des pots de vin à peine cachés donnés par les conducteurs de taxi-brousse pour passer, avec évidemment le magnifique panneau « halte à la corruption » 100m avant !), la pauvreté avec tout ce que cela implique (enfants abandonnés, mendicité, sollicitation de toute part des vasaha, arnaques en tout genre, et comme je vous l’ai expliqué, accès aux soins tristement réduit)…

Tu as eu l’occasion de voyager dans le pays. Où as-tu voyagé et qu’est-ce que tu as fait pendant ces escapades ?

J’ai voyagé d’abord les week-ends pendant mon stage, puis j’avais prévu quelques semaines de vacances pour pouvoir explorer un peu plus avant ce pays.
Les week-ends, il ne fallait pas compter aller trop loin car il faut savoir que les temps de trajet sont extrêmement longs (à l’extrême, 6h pour 100km sur certaines pistes…). Nous prenions un taxi 4L pour nous rendre aux gares routières en périphérie de Tana et ensuite un taxi-brousse pour Itasy, petit village au pied d’un lac, Mantadia, parc national dans la forêt primaire, Ambohimanga, forteresse des anciens rois…
Pendant les semaines de vacances par contre nous avons pu visiter les 4 coins de l’île ! Rencontre avec toute sortes de lémuriens, plages désertes et leurs cocotiers à Nosy Komba, les marchés colorés et la vanille à Nosy Be, sortie en mer pour voir les baleines bleues sauter à Saintes Marie, falaises et canyons de l’Isalo, descente de la Tsiribihina en pirogue pendant 3 jours, baignade et farniente à Ifaty et Anakao, randonnée et escalade dans les Tsingy de Bemaraha, trajet en « 4×4 zébu » (charrette à zébu), coucher de soleil sur l’allée des Baobabs… Nous ne nous sommes pas ennuyés !
Il fallait compter beaucoup de temps dans les taxi-brousse : ils ne partent que quand ils sont pleins (à craquer!) et les chauffeurs profitent du voyage pour faire leur petit business ! Tout cela aggravé évidemment par l’état des routes… Mais si l’on prend son mal en patience, cela se passe bien dans l’ensemble. Et si l’on excepte les fois où l’on avait le mal des transports (ben oui ils conduisent un peu sportivement parfois…), c’était l’occasion d’admirer les paysages et de préparer la suite de notre voyage !
Nous logions chez l’habitant ou dans de petits hôtels et nous mangions avec les malgaches dans les petits boui-bouis. La vie là-bas n’est vraiment pas chère et l’on peut voyager pour trois fois rien si on accepte un confort minimum (douche au seau : j’adore!).

Aurais-tu des conseils à donner aux futures voyageurs ou expatriés à Madagascar ?

Le premier conseil que je donnerais va peut-être vous étonner mais je me doit de le dire : attendez peut être un peu que les choses se calment au niveau géopolitique là-bas avant d’y aller car le niveau d’insécurité, les attaques, la corruption ne font qu’augmenter en ce moment et même si les malgaches sont d’un naturel pacifique, il commence à y avoir une certaine violence envers les vasaha engendrée par la pauvreté. Prudence donc.
Après, je conseillerai de prendre au maximum les taxi-brousse pour vous déplacer d’abord parce que ce n’est pas très cher et puis parce que c’est une vraie expérience ! A déconseiller quand même à ceux qui ont des problèmes de dos ! Choisissez de préférence un taxi national et pas régional car dans ces derniers on peut être entassés jusqu’à 5 sur une banquette de 3 sans compter les enfants sur les genoux !  Ensuite, demandez à réserver les places derrière le chauffeur car ce sont généralement les plus confortables : vous pourrez poser quelques affaires devant vous, étendre un peu plus vos jambes et serez moins malades. Par contre, je vous déconseille les places de devant (à côté du chauffeur), car vous seriez alors la cible privilégiée des forces de l’ordre en mal de pot de vin à tous les barrages routiers (c’est du vécu…).
N’hésitez pas à manger des plats cuits dans les petits boui-bouis : ce n’est pas là que vous tomberez malade, mais plutôt dans les restaurants de vasaha où personne ne va manger et où les plats ont le temps de refroidir ! Par contre, où que vous alliez prenez toujours de l’eau en bouteille sinon gare à la tourista (encore du vécu…). Impossible d’aller à Mada sans goûter à la fameuse bière THB (3 horse beer, bien qu’il n’y ait pas de chevaux sur Mada, allez comprendre !) ! Achetez aussi de la vanille, elle vaut le détour. Goûtez aux patates douces cuites dans les braises le long de la route et vendues par la fenêtre du taxi-brousse. Et puis bien sûr tous les autres fruits et légumes qui poussent en abondance !
Côté santé : vaccination contre le virus de l’hépatite A et la typhoïde et prophylaxie contre le paludisme (j’en ai vu un certain nombre de cas graves dans mon service, il ne faut pas prendre ça à la légère). Emportez aussi des vêtements longs pour la tombée de la nuit et des répulsifs à moustique.
Autres objets indispensables à Mada : des boules Quies pour la nuit et les trajets en taxi-brousse (les chauffeurs mettent parfois le volume de la radio à fond), une lampe frontale car l’électricité n’arrive pas partout, de bonnes chaussures de marche et une ceinture portefeuille pour mettre votre passeport et votre carte bleue.
Si vous avez de la place, pensez à apporter des livres, des crayons, des médicaments et des jouets pour les donner à des associations ou même aux enfants directement dans les campagnes (pas en ville, vous finiriez ensevelis sous des centaines de personnes et j’exagère à peine…).
Pour l’avion, j’avais pris Air Kenya mais je ne vous le conseille pas : nous avons eu des problèmes d’annulation de vol au retour.
Enfin quant aux meilleurs endroits à visiter : l’île sainte Marie, le parc de l’Isalo, l’allée des Baobabs et  les Tsingys de Bemaraha selon moi. Mais c’est très subjectif !

rizières devant le plateau de l'Isalo
Rizières devant le plateau de l’Isalo

Et bien oui mais cette fois dans le cadre de vacances : je pars 10 jours en Martinique en mars pour pouvoir comparer le soleil des tropiques nord avec celui des tropiques sud !

Une question que je n’ai pas posée mais à laquelle tu aurais voulu répondre ?

Peut-être : comment s’est passé le retour en France ? Si le choc a été rude à l’aller, il en a été de même au retour et il m’a fallu une bonne semaine pour réaliser que j’étais de retour. Ensuite j’ai enchaîné sur mon choix de spécialité et le début de mon internat. Le rythme français, ce n’est pas Mora-Mora ! Toutes les bonnes choses ont une fin n’est-ce pas ? Et pour couronner le tout : on m’a diagnostiqué de façon fortuite lors d’une visite pour la médecine du travail, une tuberculose (maintenant traitée) que j’ai contractée pendant mon stage à Mada. Un petit souvenir ! Mais bien évidemment ce n ‘est pas celui que je retiendrai le plus !

Bonnes vacances alors Magaly!

Et vous avez-vous été à Madagascar? Ce pays vous fait-il envie?

Opt In Image
Abonne-toi à la Newsletter intuitive et créative de Lucie Aidart et découvre mon premier livre!
Ne manque pas les nouveaux textes, récits et actualités

Abonne-toi à la Newsletter bilingue, créative, intuitive et voyageuse sur Substack:

The Alma Writer

et achète mon premier livre L'Envol:

sur mon site Internet ou
sur ta plateforme de lecture, d'écoute préférée!

<>

En t’inscrivant, tu acceptes de recevoir ponctuellement des newsletter de la part de Voyages et Vagabondages/Lucie Aidart Tu peux te désinscrire à tout moment si nécessaire. Pour en savoir plus : Politique de Confidentialité.