Equipe de l'hopitale à Mada

Le Pr Randria entouré des internes et externes magaches et français, devant l’hôpital de Tana

Manaohana! Je m’appelle Magaly Ravel, j’ai 25 ans. Je suis originaire de Charente Maritime (où je t’ai rencontrée !) et je fais mes études de médecine à Bordeaux. Je suis actuellement en premier semestre d’internat (7ème année) et je me spécialise en Médecine Physique et de Réadaptation. J’aime danser et jouer de la musique, lire, aller au cinéma… et aussi voyager même si je n’ai pas eu (ou pas saisi ?) l’opportunité de le faire autant que toi.

Tu es partie l’été dernier à Madagascar. Combien de temps es-tu partie ? Dans quel cadre ? Pourquoi avoir choisi Madagascar ?

Je suis partie 2 mois et demi sur l’île rouge dans le cadre d’un stage hospitalier, avec une amie de la fac. J’étais donc en stage dans le service de maladies infectieuses du CHU de Antananarivo, dirigé par le Pr Randria.
Le choix de Madagascar avait plusieurs motivations. Tout d’abord c’est un pays qui représentait pour moi l’exotisme et les tropiques (peut être que le film d’animation éponyme n’y est pas tout à fait étranger !) et que j’avais envie de découvrir.
Ensuite, je voulais faire un stage à l’étranger pour me former à d’autres approches de la médecine, dans des conditions différentes de chez nous. Du coup, il n’était pas envisageable pour moi de faire ce stage dans un pays au développement équivalent au nôtre, car j’y aurai retrouvé les mêmes pratiques médicales à quelques variantes près.
Je voulais également un pays tropical pour avoir l’ « opportunité » de rencontrer des pathologies spécifiques au milieu tropical (et donc très peu fréquentes en France).
Enfin, je préférais un pays francophone ou anglophone (qui sont les 2 seules langues que je maîtrise), afin de pouvoir communiquer avec les patients sans intermédiaire et donc d’être plus autonome dans mon stage.
Madagascar réunissait tous les critères alors je me suis lancée!

Pourquoi avoir pris la décision de faire un tel stage ? Que pensais-tu en retirer ?

Au tout départ c’est évidemment l’envie de voyager qui m’a poussé à faire un stage à l’étranger. J’aurais eu un stage à faire en France si je n’étais pas partie de toute façon, donc autant joindre l’utile à l’agréable non ?
Mais il y avait bien sûr d’autres raisons.
D’abord, c’était l’occasion de découvrir une autre culture, et donc une autre vision de la vie mais aussi de la maladie, de la douleur et de la mort.
Ensuite, je voulais apprendre une autre pratique de la médecine, plus tournée vers le sens clinique et l’expérience du praticien que vers les examens complémentaires que nous utilisons à tour de bras dans nos pays occidentaux (je ne dénonce personne, je fais pareil…). A Mada, il faut pouvoir diagnostiquer parfois sans un seul examen complémentaire. Et ça forme beaucoup mieux que de poser un diagnostic après 10 examens coûteux, car quand on cherche la petite bête, on finit bien par la trouver !  On est obligé d’avoir un raisonnement clinique rigoureux puisque la technologie ne nous viendra pas en aide. La médecine retrouve là-bas sa place d’ « art »  et non pas de « science » comme maintenant en Occident.
Le dernier point est qu’on ne retient jamais autant la présentation clinique d’une pathologie que quand on en a vu un ou plusieurs cas réels. Or, les cas de pathologies tropicales, et notamment infectieuses, ne sont pas légion en France et je n’avais étudié la plupart des pathologies rencontrées au cours de mon stage que dans les livres.

Peux-tu nous parler un peu de ton travail au quotidien et de ce que tu en as retiré ? Quelles étaient les conditions de travail et de soin des malades ?

Le service de maladies infectieuses du CHU d’Antananarivo est dirigé par le Pr Randria. Il est composé de six chambres de 4 patients. Il y a  4 médecins titulaires, 1 interne de spécialité, 4 internes de médecine générale et des externes. Par contre pas d’infirmière, ni d’aide-soignant : les externes font les actes infirmiers et la famille joue le rôle d’aide-soignant.
Mon rôle était à cheval entre celui d’un interne et d’un externe.
Les conditions d’hospitalisation sont assez dures que ce soit d’un point de vue matériel ou financier. Comme il s’agit d’un hôpital public, les patients ne payent pas la chambre d’hôpital. Par contre, tout le reste est à leur charge : matériel pour faire une prise de sang (jusqu’au coton et aux gants), radiographies, examens bactériologiques, papier pour les ordonnances… mais aussi tous les traitements. Et comme il n’y  a rien en stock à l’hôpital, la famille des patients doit tout aller acheter dans des pharmacies en ville.
Bien sûr, il n’existe pas de protection sociale à Mada, donc cela reviens très vite cher. Trop cher même, au point qu’il était fréquent que des patients ne puissent pas être soignés malgré que le diagnostic soit posé et le traitement prescrit, du fait du manque de moyens. C’est extrêmement frustrant et triste. Il nous est même arrivé de nous cotiser avec les soignants du service pour payer un bilan sanguin à une patiente qui en avait cruellement besoin. Il faut noter que Mada est l’un des rares pays où l‘espérance de vie est en régression
Tout ça, c’est pour le côté médical. Après il y a le côté vie quotidienne des patients qui est entièrement géré par les familles : repas, draps, couvertures, hygiène corporelle… En fait si vous n’avez pas de famille pour vous entourer à l’hôpital : vous ne mangez pas, vous dormez sans draps ni couvertures, vous ne pouvez pas vous laver, vous changer ou aller aux toilettes ! Ce qui fait qu’une personne de la famille doit être présente 24h/24 auprès du malade. Or, encore une fois Mada n’est pas un pays riche donc imaginez dans quelle galère se retrouvent certaines familles qui doivent payer les frais générés par l’hospitalisation de leur proche et qui doivent en plus sacrifier un salaire pour veiller sur lui !!!
Autre aspect de cette médecine en conditions précaires : la prise en charge de la douleur qu’elle soit physique ou morale. Puisqu’il est déjà difficile de payer les traitements vitaux, imaginez pour les traitements « de confort » comme les antalgiques ou les anesthésiants… Là-bas la souffrance fait partie de la vie et il n’est pas permis de montrer que l’on a mal. A la maternité par exemple, une femme qui accouche n’aura bien évidemment pas de péridurale et si elle crie elle déshonore sa famille.
L’autre versant du problème se trouve du côté soignant : pas la peine de compter sur un scanner ou une analyse de marqueurs biologiques coûteux à la pointe du progrès pour faire un diagnostique ! Du coup il faut faire avec ses 5 sens (et un 6ème parfois qui s’appelle le sens clinique!) et avoir un raisonnement très carré. Et ça forme énormément !

Au final même si les conditions de travail et les conditions de soin des malades sont très difficiles, il ne faut pas oublier de mentionner que les malgaches sont très dignes face à la maladie et à la souffrance et ont un respect envers les soignants que l’on ne retrouve parfois plus trop en France.

Piroguiers remontant la Tsiribihina (3j aller, 6 retour), Est de Mada

Piroguiers remontant la Tsiribihina (3j aller, 6 retour), Est de Mada

Oui, ce stage a répondu à mes attentes dans la mesure où j’ai pu m’immerger entièrement dans la vie du service, créer des liens avec les médecins et les étudiants malgaches et pratiquer la médecine à leur façon.
J’ai rencontré de nombreuses pathologies tropicales que je ne reverrai peut-être jamais, d’autres plus communes mais avec des présentations très typiques, comme dans les livres, car les gens tardent à venir à l’hôpital pour toutes les raisons expliquées plus haut.
Cela m’a permis de m’autonomiser avant ma prise de fonction d’interne, de prendre conscience que notre système de santé, avec tous ses défauts et malgré toutes les mesures délétères de ces dernières années, reste quelque chose de précieux et de relativiser face à mes problèmes d’Européenne.
Le seul bémol que je peux exprimer est le fait que très peu de malgaches hospitalisés dans cet hôpital public (donc des patients défavorisés pour la plupart je le répète) parlaient couramment français. Je ne m’y attendais pas car le français est resté très longtemps la langue officielle à Mada et que cela faisait partie de mes critères de choix… En fait, seules les personnes les plus âgées et celles venant des milieux sociaux aisés parlent toujours le français actuellement. Du coup, il a fallu s’adapter : demander à des étudiants malgaches de me traduire, et bien sûr apprendre quelques rudiments de malgache !

Serais-tu prête à refaire une telle expérience ?

Dans l’immédiat, peut-être pas car ce stage a été malgré tout éprouvant moralement et physiquement. Je me concentre pour le moment sur mon internat. Mais je ne ferme pas la porte. La médecine physique et de réadaptation peut peut-être me conduire à la médecine humanitaire à terme (notamment pour les appareillages d’amputés par exemple), nous verrons bien !

Retrouvez la suite de l’interview demain, pour en savoir plus sur Madagascar et découvrir de nombreux conseils de Magaly si vous partez dans ce pays! Stay tuned!

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