Je prends ma retraite de blogueuse de voyage professionnelle!

Et oui, ça y est, je suis enfin prête à vous l’annoncer. Je prends officiellement ma retraite de blogueuse de voyage professionnelle! Oui, à 33 ans. Non, cela n’a rien à voir avec le COVID-19 et non, je ne m’arrête pas de travailler.

Du sabbatique à la retraite: réflexions

Alors que mon congé sabbatique de freelance de six mois touche à sa fin le 18 mai, en pleine période de déconfinement, je suis enfin prête à annoncer ma retraite, en toute transparence. Pour ne rien vous cacher, j’ai envie de prendre ma retraite depuis près d’un an. Je m’en suis d’abord sentie incapable, ne voyant pas d’issue ou de solutions à des problèmes qui me paraissaient aussi grands que des montagnes tibétaines ou boliviennes. J’avais plein d’idées de reconversions professionnelles et aucun plan précis et je n’étais pas prête à m’engager dans une voie particulière. Je ne savais pas non plus comment définir mon identité, sans cette étiquette de blogueuse de voyage. Cela peut paraître ridicule, mais lorsque la vie, le voyage et le travail se mélangent de manière presque symbiotique, que se passe-t-il quand on supprime un élément? Qui est-on sans cette casquette que l’on porte fièrement depuis une décennie? Je ne savais pas non plus comment gérer la question financière, ne souhaitant pas redevenir salariée. Bref, il y avait beaucoup de points d’interrogation et aucune réponse en vue. L’inconnu, l’incertitude, le grand vide.

Et puis, petit à petit, les choses se sont mises en place. J’ai pu me détacher de Voyages et Vagabondages dans mes réflexions personnelles, j’ai eu l’envie et les ressources financières pour prendre un congé sabbatique, pour réfléchir, pour explorer de nouvelles options et décider de ce qui me tenait vraiment à coeur. Enfin, il y a quelques mois, j’ai pu vous avouer que je n’avais plus envie de voyager et surtout que je ne voyais pas comment être blogueuse de voyage professionnelle, tout en étant en accord avec mes valeurs éthiques.

 

La question éthique et écologique

Car c’était bien le grand problème en arrière-plan. Ma dissonance cognitive totale. Voilà bien trois ans que je fais des compromis avec moi-même, que j’essaye de rationaliser les problèmes, de me dire qu’il faut bien que je gagne ma vie, que j’ai un impact positif en faisant la promotion d’un tourisme lent, durable et respectueux, et que j’aide des petites entreprises qui en ont besoin, que je mets en avant des destinations méconnues et que je contribue globalement à une amélioration de l’industrie du tourisme. Sauf que le problème est plus complexe que cela. Certes, il ne s’agit pas de porter toute la responsabilité des problèmes écologiques du tourisme et de rendre ce problème individuel. Nous vivons tous et toutes dans la société actuelle et j’ai bien conscience, qu’à moins de me retirer quelque part au fin fond des Cévennes en totale autonomie, que je fais partie de la société et que je ne peux pas atteindre la perfection écologique et que la responsabilité ne repose pas sur moi seule. J’ai aussi conscience que j’ai minimisé les impacts, tant au niveau personnel, que professionnel et que j’ai toujours préféré être blogueuse de voyage, que salariée au service d’une entreprise quelconque, dans un système capitaliste destructeur. Mais au bout d’un moment, mes convictions se radicalisant, étant de plus en plus connectée avec moi-même et mes valeurs, mes compromis avaient le goût de pactes avec le diable. Et un jour, je n’ai plus été capable de faire des compromis. J’ai réalisé que j’étais en décalage complet avec mes pairs et que le changement ne se ferait pas assez vite pour faire face à l’ampleur de la catastrophe en cours. Comment continuer à vendre de l’équipement pour le voyage ou des livres par le biais d’Amazon pour toucher des miettes, alors que je boycotte cette entreprise depuis des années? Comment continuer de vendre des billets d’avion, alors que je n’ai pris l’avion qu’une fois au cours de ces deux dernières années? Comment continuer de promouvoir un mode de vie nomade, alors que mon voyage était une fuite? Comment continuer de produire du contenu sur les réseaux sociaux et sur les blogs, parce qu’il faut écrire, parce qu’il faut être présent, parce que pour gagner sa vie il faut faire des chiffres, alors que je crois en du contenu moins important, mais plus qualitatif? Comment promouvoir « une vie de rêve », quand elle contribue à la destruction lente et évidente de notre environnement? Comment promouvoir le tourisme, alors qu’au fond de moi, je crois en l’effondrement et à une décroissance impérative, y compris dans le domaine du tourisme?

Et puis, il a fallu se réconcilier avec mon passé. Après avoir réalisé que je fuyais, que ce métier n’était plus en accord avec mes valeurs actuelles, que le tourisme et le voyage, qui avaient changé ma vie si positivement, étaient aujourd’hui devenu l’un des secteurs les plus polluants et destructeurs du monde, que les valeurs d’échange, de curiosité, d’ouverture au monde n’étaient plus suffisantes, comment se réconcilier avec moi-même, avec ma carrière et avec mon passé de voyageuse? Comment se réconcilier avec Voyages et Vagabondages et avec vous chers lecteurs, chères lectrices? Quelle mission donner au blog en 2020?

C’est tout cela que je démêle depuis un an. Il m’aura fallu peut-être trop de temps. Je ne sais pas, je ne me jugerai pas, je ne m’excuserai pas de mon parcours. Je me souviens encore, en septembre dernier, laisser échapper auprès d’une amie blogueuse (qui se reconnaîtra peut-être… si oui, désolée!), entre deux portes, dans un au-revoir rapide, que c’était sans doute ma dernière conférence de blogueuse et mon dernier voyage de blogueurs. Elle avait ri, j’avais remballé rapidement mon lapsus. Parce que je n’étais pas prête à me l’admettre, ni à l’admettre à vous, chers lecteurs, chères lectrices. Parce que je voulais me garder l’option de revenir si je me plantais, si je changeais d’avis. Je me mentais encore, je cherchais une porte de sortie, j’imaginais de nouveaux compromis. Et il n’y en avait pas.

Voyages et Vagabondages a 9 ans!

Alors aujourd’hui, je prends ma retraite en tant que blogueuse de voyage professionnelle et je pars la tête haute, heureuse du travail accompli, fière de Voyages et Vagabondages et de la direction que je lui ai donné, reconnaissante pour beaucoup de bonheur, de rencontres, de missions et d’apprentissages. Voyages et Vagabondages reste et restera encore pour longtemps mon plus beau bébé. J’en suis très fière et je ne le renierai jamais, car cela reviendrait à renier une partie de moi-même.

J’ai la chance de pouvoir partir de mon plein gré, en paix et aucunement par dépit. Je pars alors que mes revenus de blogueuse de voyage sont mes revenus principaux (bon avant le Coronavirus bien sûr, hein), alors que j’ai fait ma meilleure année en termes de chiffres d’affaires et de statistiques, alors que j’ai construit un réseau solide et une communauté forte et engagée. Cela peut paraître contre-productif et contre-intuitif, mais c’est pour moi un luxe de partir du haut de la vague, plutôt parce que j’y suis forcée, parce que le monde change ou après des échecs. Choisir de partir, plutôt qu’y être forcée, me donne des ailes…

Je me revois encore, il y a près de 10 ans, créant ce blog dans ma chambre londonienne, par simple passion, sans avoir aucune idée de ce qu’il deviendrait. Je me revois aussi manger de la baleine par naïveté, partir en Antarctique sans en imaginer les conséquences, prendre des avions dans tous les sens, promouvoir la vie nomade pour être libre et heureux. Je me revois aussi déclarer, accepter, reconnaître que bloguer était devenu mon métier, comme si j’en avais honte. Et c’est cela aussi dont j’avais besoin de me rappeler. Cette jeunesse, cette naïveté, cette foi en l’avenir et l’inconnu, cette acceptation de qui je suis, de mon passé, de mes erreurs, de mes rêves et de mes succès, de mes croyances, sans jugement.

En partant en sabbatique, j’aurais aimé revenir six mois plus tard en vous disant que j’avais un plan précis en tête, que je savais exactement ce que j’allais faire et presque en ayant construit une nouvelle carrière à succès. J’aurais aimé revenir avec des solutions et la réponse universelle. Mais cela ne marche pas comme cela. Et c’est ce que le COVID-19 m’a rappelé également. Même si les années passent, il n’y a aucune honte à changer d’avis avec de nouvelles données, à changer de direction, à changer de carrière, à faire des erreurs, à recommencer, encore et encore. En lançant Voyages et Vagabondages, je rêvais secrètement de devenir nomade digitale, de voyager et de vivre de mes écrits. J’ai réalisé ce rêve, presque sans en avoir conscience. Je suis partie en tour du monde, en ayant la foi que je trouverais ma voie. J’ai lancé mon auto-entreprise avec 200€ sur mon compte. J’y ai cru, j’ai travaillé, je me suis battue. Et ce n’est pas parce que j’ai 33 ans que je ne suis pas capable de recommencer à zéro et de prendre une nouvelle voie. Cette année et encore autant de fois qu’il le faudra dans ma vie, par envie ou par obligation face aux circonstances extérieures. N’est-ce pas cela la grande force d’une voyageuse: l’adaptation, la réinvention, la confiance, l’apprentissage?

Que va devenir Voyages et Vagabondages après ma retraite?

Peut-être un jour, rentrerai-je plus dans les détails des dessous du blogging. Je n’en ai aucune idée, mais je n’en ai pas vraiment l’envie aujourd’hui. Je peux seulement vous dire que je prends ma retraite en tant que blogueuse de voyage professionnelle, mais que je demeure encore et toujours une blogueuse passionnée. Je ne bloguerai plus professionnellement, mais je bloguerai quand l’envie m’en prendra. Je ne voyagerai plus comme auparavant non plus, mais j’ai encore de nombreux voyages à raconter (vivre les années d’écriture de retard). J’ai l’intention de m’expatrier à nouveau, en revenant ainsi à mes premiers amours de slow travel, en redevenant la serial-expat que j’ai toujours été, et de continuer de randonner et voyager (très ponctuellement) en train. Le site dispose également déjà de plus de 550 articles à lire et à relire, qui resteront bien évidemment disponibles. Petit à petit, je fais un travail de fourmi pour supprimer les liens Amazon par exemple et rendre Voyages et Vagabondages en accord avec mes valeurs. C’est un travail énorme, d’autant plus que je ne suis plus payée pour le faire, mais je m’engage à le faire dans les mois à venir. Comme le récent article sur Nikko au Japon, je compte publier encore de nouveaux articles, en me focalisant sur les histoires et les émotions, car je crois que l’on a tous besoin de cette évasion par procuration, aujourd’hui avec la situation actuelle, mais aussi dans le futur, lorsque beaucoup d’entre nous auront renoncé à voyager. Parce que oui, je crois à la nécessité de la décroissance touristique notamment. Peut-être qu’il y aura des partenariats ici pour mettre en avant une initiative écologique ou un projet qui me tient à coeur, mais cela sera fait au cas par cas et si j’en ai le temps et l’envie. Alors oui, Voyages et Vagabondages prend une nouvelle direction, mais Voyages et Vagabondages vivra. Pour raconter des histoires, pour vivre ensemble des émotions, pour accompagner ceux et celles qui sont encore sur la route, pour partager des réflexions sur des modes de vie alternatifs, pour échanger sur le mouvement et le voyage comme philosophie, comme témoin d’un cheminement, tortueux mais essentiel. Plus, que jamais, je sais que Voyages et Vagabondages était une belle étape, essentielle, magnifique, mais une simple étape, pas un point d’arrivée. Ce mois-ci, Voyages et Vagabondages a 9 ans. Je ne garantirai pas les 9 prochaines années, mais j’espère bien fêter avec vous, si vous en avez l’envie les 10 ans du blog en 2021…

Vers une reconversion professionnelle…

Je prends donc ma retraite en tant que blogueuse de voyage professionnelle et par extension, en tant que consultante Pinterest. J’ai décidé désormais de me concentrer sur mon activité de traductrice, tout en explorant différentes autres pistes de reconversion. D’une manière très ironique, c’est un retour à la case départ. J’étais traductrice à Londres, alors que je créais Voyages et Vagabondages et que je rêvais une vie de nomade digitale. Une fois que je pourrais partir, je serai traductrice à Edimbourg, en train de créer et de rêver un autre projet. Retour à la case départ ou cercle vertueux? Je sais en tout cas comment je choisis de le voir…

A l’heure où l’industrie du tourisme est l’une des plus touchées par la crise sanitaire et économique actuelle, je suis heureuse et reconnaissante d’avoir fait tout ce cheminement personnel auparavant. Je mesure ma chance de me lancer dans ma reconversion professionnelle en toute liberté et de manière choisie. Je souhaite beaucoup de courage et de force à tous mes collègues et partenaires qui travaillent dans le secteur du tourisme. Mais je sais que les professionnels du voyage sont capables d’adaptation et de réinvention et qu’ils peuvent, s’ils le souhaitent, être acteurs d’un nouveau monde, du monde de demain. Je sais, qu’autant pour eux, que pour moi, que pour vous peut-être aussi, le chemin sera long et semé d’embûches, matérielles ou financières, mais j’aime à voir cela comme un défi et comme une opportunité pour évoluer, changer et progresser. Mon côté optimiste et naïf sans doute… Et chaque jour, je visualiserai cette jeune fille de 24 ans, dans une minuscule chambre à Londres, qui rêvait de vivre de ses mots et de ses voyages, qui s’imaginait vivre à Tokyo et à Buenos Aires, qui était emplie d’espoir. C’est de son ombre, de sa foi et de sa force dont je m’enveloppe pour me lancer dans ces nouveaux projets.

J’écris ces lignes à 23h. Voilà bien longtemps que je n’avais pas écrit avec le sourire tard le soir, la musique à fond dans les oreilles, comme si rien d’autre ne comptait. Je sais intuitivement que j’ai pris la bonne décision…

Bon courage à tous et à toutes, bonne reconversion à ceux et celles qui se lancent et merci pour votre lecture et vos années de confiance. Je vous souhaite aussi de beaux voyages et une bonne continuation sur les routes si tel est votre chemin. Je pleure de gratitude en ayant eu la chance de voir le monde en toute insouciance, alors que nous n’avions pas l’impression que le destin de l’humanité pesait si lourdement sur nos chemins de vie personnels. Et je ne peux garder ce que j’ai vu pour moi, alors je le partagerai par ici autant que je le peux.

On se retrouve très vite ici. Voyages et Vagabondages mettra désormais en avant les histoires, les émotions, la passion et l’espoir pour un nouveau monde. A bientôt par ici, ailleurs sur la toile ou quelque part dans la vraie vie!

PS: Si les thématiques de l’écologie, de l’effondrement, de la psychologie, des émotions, de la spiritualité vous intéresse, rendez-vous sur mon nouveau blog Enough (et non, ce n’est pas mon métier non plus! ;))

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