Un chapitre addendum à L’Envol: Faire le pont. Jusqu’à l’union.

Le chapitre « Faire le pont. Jusqu’à l’union. » a été écrit en février 2023 pour le lancement de L’Envol, sur le site Voyages et Vagabondages.
Les moments du passé ne se comprennent, s’écrivent et s’assemblent qu’avec la voix |e et les événements du futur.

Écouter ce chapitre bonus en version audio.

« Faire le pont, accéder aux illusions. Je descends de la colline, inconnue, suspendue à un fil, invisible et visible, martyre de ma propre désillusion. Je soupire des lacunes enchanteresses, un monde divin inassouvi, le destin oublié d’une immanence et impermanence insoumise. Qui suis-je, sans le pont et soupir de ma vie ?

Je n’ai nulle part où aller, nulle part où chercher que la danse des soupirs et des sourires. Sans pont, je suis une île à la dérive. Sans pont, murmure au fond de moi, l’indicible vide de mon être et de mon appartenance.

Au pont des murmures et des entrailles, seule dans ma décadence, ma défaillance, mon insouciance, ma déchéance, je perçois un lendemain tout autre, celui où le pont ne serait plus une illusion, où les digues ne défailliraient plus, où la plénitude se trouverait dans l’ouverture du pont-levis et du cœur, tremplin vers l’autre, l’ailleurs et les mondes visibles et invisibles.

Je ne suis pas de celles pour qui les ponts s’emmêlent et disparaissent, abstraits dans leur teneur et pesanteur. Plutôt, je sais que le pont est un monde en lui-même, nécessaire, défaillant, croulant, à reconstruire peut-être.

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Avec mon amie Gwen, nous courons à perdre allure sur un pont au-dessus de la Tamise, à la rencontre de Big Ben et de sa confiance en elle. Elle a peur, elle a le vertige, mais aujourd’hui, elle s’envole au-delà de son être, par-delà les frayeurs.

Je saute d’un pont suspendu à quelques fils au-dessus d’un canyon, à la recherche d’une inéluctable violence et adrénaline, d’une paix dans la pesanteur et le vide, à la recherche d’un pont intérieur qui semble s’écrouler à chaque interaction et événement de vie. Je voudrais voler, mais je ne sais que courir sur les ponts du monde et de ma destinée.

Je traverse un pont, puis un autre, et un autre encore, zigzagant sur les berges de villes, de fleuves et de rivières, à Londres, Tokyo, New-York et partout ailleurs, toujours appelant l’ailleurs et l’autre rive, l’autre côté, une autre perspective, un autre regard, en ne réalisant pas toujours, parfois que c’est sur le pont que je trouve ma dérive et mon ancrage, que c’est le pont qui contient la goutte de cœur et d’âme qu’il me faut, que c’est le pont qui nous traverse, nous transperce, nous transforme, nous élève, nous transcende et nous arrime dans notre vérité et notre union intérieure.

Sur le pont d’un bateau, maigre consolation ou fabuleuse transmutation, l’ailleurs s’étend sur des horizons emplis de doutes et de rêves. La traversée se fait longue et sinueuse, brinquebalante, bourlingueuse, révélatrice de toutes les failles et miroirs qui se cachent dans les fondations et entrailles d’une construction flottante.

Traversée d'un pont aux 4000 îles au Laos

Traversée d’un pont brinquebalent, de la lumière à l’ombre, aux 4000 îles au Laos

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Il y a des îles sans pont et des ponts sans île. Des presqu’îles qui n’en sont pas vraiment et des anxiétés qui dansent sur d’impossibles mirages et ancrages. Il y a des terres, des pays coupés de leur autre moitié, de leurs parties intérieures et intégrales, comme un ailleurs fabuleux, qu’un jour peut-être l’on découvrira, mais que jamais vraiment l’on ne comprendra.

Ushuaia et l’Argentine se découpent à un fil, un détroit et des terres australes frontalières qui appartiennent à d’autres contrées. L’Indonésie miroite un chapelet d’îles inaccessibles. Aux Îles de la Madeleine et aux Îles Orcades, je me demande quel appel furieux les unit et les trahit. Des ferrys, des avions, des canoës, des brasses, des subterfuges pour rejoindre d’autres terres et appartenances, d’autres cultures et résonances, d’autres mondes et connivences. Et au milieu de tout cela, je danse d’îles en îles, de terres en terres, d’appels en échos, de ponts en mirages.

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Qui suis-je sans pont, sans ancrage ? Où se trouve le pont qui me ramènera à moi-même, en appartenance, amour et transcendance ? Où amarre-t-on un pont dont les ailes s’effilochent et se faufilent dans la jouvence surannée des nuages et des étoiles ? Y-a-t-il un pont qui nous ramène à l’être, en passant par le devenir et l’outrance ?

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Des pont suspendus, des ponts éphémères, des ponts de bric et de broc, des ponts bétonnés pour durer le temps que l’humanité s’effondre, des ponts naturels, des ponts de bois et de pacotille, des ponts que l’on détruit et reconstruit, des ponts pour sauter, danser, traverser, revenir, lier, transformer, dépasser, protéger, décorer, agrandir, unir.

Des ponts sur lesquels on court, depuis lesquels on regarde, photographie et imagine, sur lesquels on se croise et se rencontre, depuis lesquels on se jette et s’arrime, des ponts oniriques et métaphoriques, des ponts, des illusions et soudain, la vérité qui s’extrait d’une réalité vagabonde. Le pont est moi et je suis, j’ai toujours été le pont vers moi-même.

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À Chiang Mai, dans un parc aquatique pour adulte, je cours sur le fil, sur un pont-échelle flottant, qui devrait m’amener de l’autre côté, vers mes amies et le jeu. Devenue casse-cou pour sentir la vie jaillir en moi, j’ai soudainement peur. Mes amies viennent de sauter, de passer le pont, sans encombre. Au pire, c’est la dégringolade dans l’eau qui m’accueillera de rires et de larmes. Je prends mon élan et je cours vers le premier barreau, puis le second. Je tombe à plat ventre entre deux barreaux, et mon élasticité, ma souplesse mythique me joue un tour fatal. Je me plie entre les barreaux, à plat ventre, le dos qui se ploie dans le mauvais sens, un pont forcé entre l’eau et les nuages, entre des barreaux de plastique qui m’enserre et me brise. J’entends, je perçois, je rêve, je ressens un craquement, comme si ma colonne vertébrale se coupait en deux, à jamais séparée sans pont pour relier le vide. J’ai le souffle coupé au contact de l’eau et là, dans une inconscience qui dure moins d’une seconde, des mots dansent aux abords de ma conscience « This is it. C’est la fin. »

Et pourtant, je réémerge, j’inspire une grande bouffée d’air et de vie et je suis tirée, happée hors de l’eau sur le précipice de mon existence. Je pleure, je suis sonnée, mais je peux bouger, marcher, m’asseoir. La douleur fantôme me forcera à l’immobilité pour quelques semaines, à un ralentissement drastique pour plusieurs mois, au flottement pour des années.

Je suis dans les limbes de ma vie, sur le pont entre deux mondes, insensible, inaccessible à l’un ou à l’autre, incapable de revenir, rester ou partir. C’est comme si mon pont vers l’ailleurs, moi-même, ma vie et mes rêves, était suspendu au-dessus de la nuée, quelque part dans les étoiles, à des milliers de kilomètres de ma vie et du monde, impénétrable, infranchissable, intouchable, indétrônable, indissociable. Et je suis suspendue avec lui, là-haut, si loin, si haut sur un pont qui ne relie rien que le vide, les éthers, les nuages et les morceaux de mon âme, de ma colonne et de mon pont qui volent au vent d’un impossible retour.

Lumières sur le Pont Shinkyo au-dessus de la rivière Daiya, Nikko, Japon - Faire le pont

Ses mains sous mon dos recherche ma midline, ma voie centrale, perdue, au loin, dans la brume et la tornade de mon âme. Mon osthéopathe, Poppie, la cherche et la ramène encore, dans des séances qui se succèdent, à déraison. C’est comme si la structure, la fondation de mon pont, de mon être, ne voulait pas exister dans la densité et la pesanteur de ce monde et ses émotions.

Faire le pont, revenir à soi, passer le pont et devenir soi - Un pont en forêt de Newbattle, Dalkeith, Ecosse - Le pont d'ancrage de ma cérémonie de récupération d'âme

En forêt écossaise, il y a ce pont de bois tout brinquebalant, percé et moussu, dangereux, mais séduisant, qui m’invite vers l’autre rive, vers les collines, vers un monde inassouvi, inavoué. Je me repose et voyage au bord de la rivière, apprentie chamane de mes visions et rituels, dans l’attente de réponses et d’un nouveau fil de vie et d’âme. C’est une chèvre des montagnes qui me guide vers la reconnaissance et la puissance. Traverser le pont, revenir à soi, revenir chez soi, ancrer enfin l’appartenance et l’insouciance par la manifestation et la métaphore d’un pont de bois qui s’ébranle et s’écroule.

J’hésite, mais je gambade. J’ai peur, mais je trépigne. Après tout, ce n’est qu’un pont de bois décrépi et au pire, ce sera la dégringolade dans l’eau et les cailloux, dans les rires et les larmes… Je traverse en inspirant et expirant, comme si ma vie en dépendait, comme si ma vie s’insufflait dans mes veines et mes pas de côté. Je ne tombe pas, je ne tomberai plus. Je reviens à moi-même, à ma puissance, à ma voix|e, à ma vérité. De l’autre côté, il y a d’autres aventures et réalisations, mais c’est le pont qui rassemble, ressemble la puissance et l’ancrage, la magie et l’amour, l’art, le sens et l’appartenance.

C’est le pont qui détient ma vérité. C’est le pont qui est. Je suis le pont, et la traversée des marées et des vagues à l’âme et au cœur ne sera plus une solitaire épopée, mais une nuée d’âmes qui se ruent vers l’appel et le souvenir, main dans la main, en chemin, en famille, en reconnaissance.

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J’ai vécu cet après-midi-là en Thaïlande, sans le savoir, ni même le comprendre, une expérience de mort imminente. Ce n’était pas, je crois, la première. Mon âme était bloquée sur le seuil, sur un pont suspendu dans les étoiles, amarré à l’immanence, indécise sur la direction à prendre, à vivre, à assouvir. Dois-je mourir ou dois-je vivre ? Dois-je rêver ou ressentir ? Suis-je un corps ou de la poussière d’étoile ? Un chaman, une chèvre des montagnes, un pont, un rituel et moi-même m’ont ramenée, m’ont guidée, m’ont accueillie, m’ont nourrie du corps, de la voix, de l’amour dont j’avais besoin pour devenir celle qui a toujours été, pour transcender les émotions et les flots, par-delà les îles et les océans.

Je ne passerai plus les ponts indécise. Je serai moi-même un pont, un tremplin, un ancrage vers moi-même, en moi-même, pour moi-même, main dans la main avec le corps, le monde et l’humanité.

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Faire le pont. Être le pont. Ne plus céder aux illusions. Et dans la peur de la traversée, transmutation, transformation et transcendance, je sais, tu sais, que seul compte le miroitement et frisson de nos êtres entremêlés, enlacés, unis pour l’éternité.

Le pont est union et unité. En toi et à travers le monde, dans chaque résonnance, écho, paillette et connivence du monde matériel et des énergies immatérielles, dans la vérité de ton être et ta profondeur.

Un pont vers l’union. Un pont comme union. Un pont unique. Union.

Union des êtres et des intériorités. Union de celles et de ceux.

Union de toi.

UNION. ∞ « 

Lucie Aidart

© Mairi Wilson Photography

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Ce chapitre est un addendum à L’Envol, mon premier livre, ouvrage autobiographique et poétique, qui dépeint et retrace ma guérison, mon Envol et mes éveils écologiques, créatifs et spirituels, au fil de la route, de visions et des mots, après le burnout, après le nomadisme, après l’errance, après Voyages et Vagabondages.

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Bonne lecture, bonne écoute, bon Envol!