Leçons, réflexions, introspection et bilan de 5 ans de vie nomade
Le soleil s’élève au-dessus des arbres du jardin. Un moineau s’abreuve aux jardinières. Je bois une gorgée de mon thé chaud, frissonnant au contact de la fraîche brise matinale, ressentant avec bonheur la chaleur s’écouler en moi. Des larmes de bonheur maquillent mes joues, un sourire égaye mon visage, saisie soudainement par le souvenir de mon autre vie au Japon. Ma madeleine est un doux thé vert.
A la librairie anglaise, je butine de rayons en salles secrètes, cherchant mon bonheur parmi les centaines de livres, d’histoires, de possibilités, de vies, d’opportunités. J’ai la conviction folle que ce n’est pas le lecteur qui choisit un livre, mais l’ouvrage qui trouve son chemin jusqu’aux mains du bon lecteur, au bon moment, au bon endroit. Un couverture bleue aux oiseaux blancs stylisés attire mon attention. Je le sors de son rayon, je le feuillette, je lis le résumé. Orkney, les Orcades, la mer… je suis transportée à mes premières vacances seule, sur les îles écossaises les plus au nord. Ce livre m’a trouvée, alors je l’emmène faire un bout de route avec moi.
Un pas après l’autre, je marche sans but précis, longeant la rivière jusqu’à épuisement. La banlieue parisienne m’entoure, mais s’estompe souvent entre parcs, îles, forêts et surprises naturelles au détour d’un pont ou d’un virage. Je n’ai qu’à fermer les yeux, sentir la brise sur ma peau, me concentrer sur le chant d’un oiseau, entendre le clapotis de l’eau, pour ressentir les remous des souvenirs et puiser au fond de moi la Patagonie, l’Antarctique, la Nouvelle-Zélande, l’Irlande et tous ces grands espaces que je porte en moi pour toujours.
Quelques mots écrits dans une autre langue, une chanson, des touristes étrangers qui papotent gaiement, une oeuvre de street art, un bâtiment à l’architecture originale, sans raison même parfois, je voyage à travers mes souvenirs dans le monde entier, revivant les moments forts de cette vie nomade qui a été mon quotidien durant de longues années. Pas besoin de la télévision, de distractions, d’alcool, de drogue ou d’imagination débordante pour partir ailleurs et s’évader, quand mes voyages défilent sous mes yeux et dans mon coeur.
Voilà deux mois que je n’ai pas quitté la banlieue parisienne. 4 mois que je n’ai pas quitté la France. 8 mois que je n’ai pas mis les pieds dans un aéroport. Voilà près d’un an que je suis rentrée en France, paumée, à la recherche de réponses, d’un équilibre, d’une autre vie peut-être. Le temps file à grande vitesse quand on voyage autour du monde, il disparaît en un claquement de doigt lorsque l’on entreprend un voyage intérieur. Je n’ai pas écrit de réflexions voyageuses depuis plusieurs mois, incapable de mettre des mots sur ce que je vivais ou ce que je ressentais. Je ne suis pas encore prête à le faire et même si des réponses se dessinent, je préfère les garder rien que pour moi pour le moment, ou peut-être pour toujours, comme des trésors secrets que je chéris chaque jour, que je dorlote pour les protéger et les voir grandir.
J’ai énormément appris sur moi-même et sur la vie lors de cette année de semi-sédentarité, sans doute plus que durant n’importe quelle autre année. Cela a aussi été l’une des années les plus dures de ma vie et je sais que le chemin n’est pas terminé, loin de là, mais j’avance vers la lumière, j’avance tout simplement et je retrouve peu à peu la paix. Je ne sais pas de quoi le futur sera fait, personne ne le sait, mais pour la première fois de ma vie, j’ai lâché prise, j’accepte le présent et je ne planifie plus ma vie à la seconde près. Et cela fait un bien fou. Je respire, j’avance, je marche la tête haute et j’apprends à me connaître.
Mais rien de tout cela n’aurait jamais été possible sans le voyage. Le voyage, ma vie, mon moi le plus profond, ma passion, mon addiction, ma folie, ma démesure, ma drogue, ma fuite, mon espoir, mon bonheur, mon malheur, ma joie, ma peine, ma démence, ma perte, mon sang, mon âme… ce voyage-là m’a aidé à trouver et ouvrir des portes, des possibilités, des chemins de traverse. Le voyage est une lourde clé. Je n’avais pas encore trouvé la bonne porte, ni la serrure. Il ne reste plus qu’à tourner la clé, ouvrir la porte et passer le pas…
Alors, c’est en hommage à ce voyage, à cette clé magique, que j’écris cet article, un court bilan de cinq années nomades sur les routes du monde. Peut-être que d’autres années nomades se trouvent de l’autre côté de la porte. Peut-être pas. Mais cela n’est pas important. L’important est le moment présent, le cheminement et l’apprentissage. Tirer les leçons du passé, marcher la tête haute avec confiance, accepter, pardonner, vivre aujourd’hui, cette seconde, cette minute, cette heure, ce jour comme si c’était les derniers, comme le moment le plus précieux d’une vie. Le futur est à écrire, à grand coups de clés et de portes ouvertes, un instant après l’autre.
J’aimerais vous livrer des bilans détaillés de mes voyages, un bilan de mon tour du monde, un pour mon PVT au Japon, un pour mon PVT en Argentine, etc., mais je ne sais pas si j’arriverai à les écrire rapidement, alors aujourd’hui, j’écris un court bilan global, fait de quelques pensées et réflexions.
J’espère qu’il vous apportera un peu de clarté sur ce que peut représenter un tel voyage, sur ce qu’il signifie et l’impact qu’il peut avoir sur une vie, d’autant plus si vous êtes sur la route, si vous vous préparez à partir ou si vous en rêvez. Un tel voyage a forcément un impact très important. Cinq ans dans une vie, ce n’est pas rien, d’autant plus à la fin de la vingtaine, lorsque l’on se cherche, que l’on se définit en tant qu’adulte et que l’on essaye de trouver sa place dans le monde. Cela n’est pas rien non plus d’en faire un métier, de partager son aventure au fur et à mesure sur le blog, sur les réseaux sociaux et de se lancer à corps perdu dans cette aventure, dans l’incertitude, sans savoir ce qu’il adviendra de sa vie, de son travail, de ce projet fou et si ce mode de vie s’alignera avec nos valeurs dans le futur.
On m’a demandé tellement de fois si je comptais faire cela toute ma vie et j’ai toujours répondu sincèrement que je le ferai tant que c’était mon mode de vie idéal. Je suis partie sur les routes du monde à la légère, dans l’insouciance de ma jeunesse et de mon inexpérience. Naïvement, je n’aurais jamais imaginé que ce voyage me définirait si entièrement, si totalement que j’en oublierai presque qui j’étais, lorsque l’on enlèverait cette partie de moi. Je n’aurais jamais cru tant apprendre, tant progresser, tant vivre et me retrouver complètement paumée au début de ma trentaine. La vie nomade a été l’une des plus fabuleuses tornades dans lesquelles j’ai eu la chance de plonger et quoiqu’il advienne dans le futur, je ne regretterai jamais ce tourbillon, qui m’a permis de devenir celle que je suis aujourd’hui.
Je crois profondément que le voyage a été un excellent moyen pour moi d’apprendre à me connaître, qu’il m’a permis de baisser ma garde et petit à petit de déconstruire mes croyances sur le monde, la vie, la société de consommation et tous ces faits que je croyais immuables, acquis, impossibles à modifier. C’est en déconstruisant ces croyances et ces mythes, un à un, que l’on retourne à l’essentiel, au vrai, à qui l’on est au plus profond de soi et que l’on peut reconstruire sur des bases saines. Pour moi, le voyage a été un formidable facilitateur.
La décision, le début de la vie nomade
Le jour où je signais mon premier contrat de travail sérieux à 23 ans, en tant que traductrice dans une maison d’édition à Londres, je décidais de partir en tour du monde trois ans plus tard et d’économiser le plus possible chaque jour pour réaliser mon but. L’obsession qui m’occuperait pendant trois ans venait de commencer et sans relâche, j’économisais, je rêvais ce tour du monde, je lisais des blogs, je planifiais, j’imaginais. La vie nomade occupait déjà mes songes et mes rêves et je ne le savais pas encore. Je pensais avoir trouvé la réponse, la solution à mon désarroi, au vide en moi, à l’impression de ne pas être à ma place. Je pensais déjà avoir trouvé le sens de la vie, sans même avoir testé cette solution. Carpe Diem, vivre au jour le jour, vivre ses rêves, se donner les moyens de réussir, vivre simplement de curiosité, de découvertes, d’adrénaline et de magie. Avant même d’avoir débuté mes vagabondages, j’étais animée d’une passion dévorante, d’une force plus puissante que moi et de ce qui m’animerait encore pendant de longues années, me menant de bonheurs en extases pendant des mois. Carpe Diem! Carpe Diem!
Lors de ces trois ans, j’ai confirmé que j’étais déterminée, indépendante et prête à de nombreux sacrifices pour réaliser un rêve précis. J’ai appris que j’étais pleine de ressources, que j’aimais la solitude et l’indépendance et que, quoiqu’il arrive, je saurais me débrouiller sur les routes. Sur cela, je n’avais pas tort!
Le tour du monde… Carpe diem!
Si vous me lisez depuis les débuts, vous savez sans aucun doute que je suis partie faire un tour du monde en solo sans date de retour et sans itinéraire entre 2013 et 2014. Le voyage durera finalement 15 mois, me menant en Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Antarctique, Océanie et en Asie. Partir en tour du monde commençait tout juste à devenir une mode en France. Nous étions quelques-uns à partir cette année-là, partageant nos aventures sur nos blogs respectifs. Le phénomène n’a cessé d’amplifier, pour devenir quelque chose d’assez « commun » aujourd’hui. Mais à l’époque, dans mon milieu en tout cas, cela ne l’était pas. Personne n’avait d’amis qui étaient partis en tour du monde et les quelques blogueuses et blogueurs francophones que je suivais, de retour de voyage, se comptaient sur les doigts des deux mains.
J’ai perdu ma maman lors de ce tour du monde, au début de mon voyage. Je suis rentrée un mois en France et je suis repartie, faisant mon deuil sur la route. Il est vraiment difficile de résumer ce que j’ai pu apprendre en cette année si forte en émotions, si déterminante, en seulement quelques lignes. J’ai apprivoisé le minimalisme, j’ai pris du recul par rapport à la société de consommation et par rapport au chemin de vie que l’on nous impose depuis l’enfance. J’ai découvert le monde dans toute sa beauté, ses richesses, ses merveilles, ses curiosités, son essence. J’ai appris que l’humain était bon, que le monde était beau et pas si dangereux que cela.
J’ai appris à me connaître moi-même loin de l’image que l’on projetait sur moi en France. Je me suis rendue compte par exemple que je n’étais pas si timide que cela, que j’étais plutôt sociale, que j’aimais la nature et la randonnée et que j’étais capable de bien plus de choses que je ne l’avais imaginé. Je me suis aussi rendue compte que je ne me sentais pas très à l’aise dans mon identité française et que le Carpe Diem était plus que jamais mon mantra… J’ai appris que l’écriture, le voyage et ma passion du partage et du blogging étaient des éléments essentiels dans ma vie. Et surtout, à la fin de mon tour du monde, je me suis rendue compte, comme j’en avais l’intuition depuis longtemps, que je ne voulais pas rentrer, que je voulais devenir nomade et travailleuse freelance.
PVT en Argentine et nomadisme digital
Il y a eu quelques mois de flottements avant mon départ en Argentine, pour renflouer les caisses, lancer mon auto entreprise, et m’organiser. Je n’ai cessé de voyager dans toute l’Europe durant ces mois, avant de partir vivre un an en Argentine, tout en étant traductrice, rédactrice et blogueuse.
En Argentine, j’ai appris à me connecter avec mes racines latines, alors que j’avais toujours cru être plus proche des cultures asiatiques, que latines. J’ai appris à être moins stressée, moins peureuse et à vivre avec moins de structure et de contrôle, au jour le jour. Je me suis rendue compte que je n’avais plus peur de mourir, que cette vie nomade et le Carpe Diem m’avaient donné une paix intérieure et m’avaient appris à vivre sans regrets, en accord avec mes choix et les circonstances.
J’ai enfin admis être devenue blogueuse professionnelle et je me suis lancée à coeur perdu dans cette vie nomade. Je croyais avoir trouvé mon mode de vie idéal et la solution à toutes mes angoisses. J’ai d’ailleurs vécu cette année de manière euphorique, sans peur du lendemain, savourant les petites joies du quotidien, la magie de la Patagonie et l’adrénaline des grands moments. J’avais réalisé mon rêve, je vivais pleinement ce rêve chaque jour, d’une vie simple, passionnante, exaltante, heureuse et grisante. Et je voulais partager ce bonheur et cette clé avec tous ceux qui m’entouraient et me lisaient…
PVT au Japon et remise en question
Je n’ai pas eu de mois de flottements avant de repartir. Je suis partie en Indonésie, j’ai eu un mois pour me préparer et je suis partie vivre au Japon. J’ai vécu un énorme choc culturel de plein fouet, je suis tombée malade et je me suis rendue compte que je vivais un burnout de voyage. J’ai cru m’en remettre, mais la réalité m’a rattrapée et je me suis rendue compte que je n’en avais jamais vraiment guéri. J’ai appris que je ne pouvais pas m’adapter et m’intégrer partout. J’ai lutté contre cette société japonaise qui voulait me remettre dans une boîte bien rangée, que j’avais envoyé valdinguer en vivant en Amérique Latine.
J’ai réalisé qu’il y avait certaines choses que je ne voulais plus accepter, plus vivre et surtout que j’avais besoin de ralentir. Je me suis rendue compte que je n’avais pas de vraies racines ou d’attaches, que mon identité était en mille morceaux et je ne savais pas vraiment comment la ressouder, comment la reconstruire ou même comment la construire. J’ai appris à ralentir, à remettre en question certaines choses, à avancer pas à pas, à me reconstruire petit à petit.
J’ai ralenti, je suis repartie à mille heures, je me suis à nouveau écroulée. Je suis partie vivre en Thaïlande, à Chiang Mai, pour me rapprocher de la communauté des nomades digitaux, en quête d’appartenance. Je n’y ai pas trouvé l’appartenance, mais je me suis sentie reboostée, prête pour une nouvelle année de nomadisme, en quête toujours de cette communauté, de cette appartenance que nous recherchons tous d’une manière ou d’une autre. Ce que je ne savais pas encore, c’est que je courrais après la mauvaise réponse, ou tout du moins, que je ne me posais pas les bonnes questions…
Une année nomade européenne… et après?
Pour cette dernière année nomade, j’ai repris la route en Europe et en France, parfois en solo et d’autres fois, bien accompagnée, croyant avoir trouvé ma réponse et repartir sur de bonnes bases pour cette nouvelle année de nomadisme. Et puis, je me suis écroulée, pour de bon cette fois-ci. Cela aurait pu être pire, je suis resilient et les amis ont été là pour m’aider à surmonter cette mauvaise passe.
J’ai décidé de prendre une base pour me reposer, prendre du recul, mettre de l’ordre dans mes idées avant de repartir ou de prendre une autre voie. C’est ainsi que je me suis retrouvée à vivre à Paris, pour être proche de mes amis et pour pouvoir travailler et écrire dans un bon environnement.
Voilà donc près d’un an que j’ai mis le nomadisme en pause. J’ai arrêté de fuir. J’ai arrêter d’errer. J’ai décidé de faire face à mes angoisses, à mes démons, à mes problèmes et de me remettre en question. J’ai voulu me concentrer sur le travail de dé-construction entrepris en voyage. Cela a été long et compliqué, ce n’est pas terminé, mais c’est sans doute la meilleure décision que j’ai prise de ma vie.
Et en chemin, sur la route sinueuse de ce voyage intérieur, j’ai découvert que les réponses étaient en moi, que je devais me trouver moi-même, me découvrir à moi-même, savoir qui j’étais vraiment, avant d’appartenir, avant de chercher ces autres réponses existentielles. Ma vie nomade a été un merveilleux détour, une distraction en quelque sorte, une pause et un catalyseur à l’introspection, un chemin détourné pour trouver les réponses qui ont toujours été au fond de moi. Cela été sans aucun doute l’une des plus belles expériences de ma vie et je n’y changerai rien.
Aujourd’hui, j’ai un sourire authentique sur les lèvres, la paix dans le coeur et confiance en l’avenir. Qu’il soit nomade ou sédentaire. Après tout, cela n’a pas d’importance, car le nomadisme n’a jamais été le but final ou la destination. Il n’était que la clé. Il paraît que ce n’est pas la destination qui compte, mais le voyage. Et si le voyage n’est finalement qu’un moyen de faire ce voyage. Ironique, non?
Alors voilà ce que je voulais vous dire, à vous tous futurs nomades, grands rêveurs, vagabonds ou curieux. Le nomadisme est une fabuleuse manière de vivre, de créer, de ressentir, de vibrer, de se sentir vivant. Ce n’est pas la seule voie possible, mais c’est un chemin parmi d’autre pour arriver à la rencontre de soi, de ses réponses, de son pourquoi et du sens que l’on veut donner à sa vie, à la vie. C’est une clé, une magnifique clé, faite de détours et de pourtours, de détails et d’ornements, mais ce n’est qu’une clé.
N’oubliez jamais de prendre du recul, de vous remettre en question et de toujours faire en sorte de vivre selon vos valeurs et votre vérité. Je me suis souvent égarée, je me suis parfois perdue, mais aujourd’hui, la porte est grande ouverte et j’ai hâte de rechausser mes chaussures et de reprendre mon bâton de pèlerine, mon trousseau de clés en main, à la recherche de nouvelles voies et de nouvelles portes à ouvrir…
Je me repose et me sédentarise cet été, même si je m’accorde une semaine de vacances en août. L’automne sera mouvementé et voyageur, alors ne partez pas trop loin, j’ai hâte de vous présenter de nouvelles destinations et de nouvelles aventures. Un très bel été à tous!!!
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